Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Antigone" et de son tournage !

Une tragédie

Antigone est d'abord une pièce de théâtre de Jean Anouilh des années 1940, qui est elle-même une réécriture de la pièce du même nom de Sophocle, inspirée du mythe antique d'Antigone, la fille d'Œdipe. La réalisatrice Sophie Deraspe a été marquée par cette tragédie à l'âge de 20 ans :

"Son intelligence, sa sincérité, son incorruptibilité m’ont immédiatement séduite. Malgré son jeune âge, son peu d’expérience et la puissance de son adversaire (le roi), Antigone se tient debout. Cette tragédie fut pour moi si vivifiante ! Après la version de Jean Anouilh, j’ai ensuite lu l’original de Sophocle. J’y ai découvert une Antigone dont la quête de justice est d’autant plus forte qu’elle est appuyée sur des lois qu’elle juge supérieures à celles des hommes. Antigone parlait tellement à la jeune femme que j’étais, qu’une forte intuition me disait que j’y re-plongerais un jour..."

Naissance du projet

Des années après cette lecture, Sophie Deraspe a entendu une entrevue donnée par l’une des sœurs de Freddy Villanueva, décédé dans un parc de Montréal-Nord lors d’une intervention policière qui a mal tourné. La cinéaste s'est alors mise à imaginer que cette sœur pouvait être une Antigone. Elle se souvient :

"Je crois que la fiction s’est développée à partir de là... J’ai voulu faire vivre, à notre époque et dans le cadre social de nos villes occidentales, l’intégrité d’Antigone, son sens de la justice et sa capacité d’amour. J’ai voulu aussi qu’Antigone demeure très jeune (16 ans) et menue physiquement, afin de faire ressortir la force intérieure de celle qui oppose ses valeurs personnelles aux lois officielles des hommes."

Faire dialoguer deux époques

Sophie Deraspe voit son film comme un conte qui s’inscrit dans un réalisme social. Ainsi, dans le travail d’adaptation, la cinéaste a scindé la figure royale de l’autorité en différentes fonctions : la police, les magistrats, les agents correctionnels et la figure paternelle. Elle précise :

"J’ai cependant gardé une scène plus étrange où Antigone est interrogée par une psychiatre aveugle nommée Térésa, une incarnation moderne du devin Tirésias. Au-delà du jeu des associations créées entre le devin de la tragédie grecque et la figure contemporaine d’une psychiatre, je trouvais primordial d’ouvrir un espace où l’inconscient d’Antigone puisse parler et faire comprendre la force qui l’anime et la rend héroïque. Antigone se sent investie d’un devoir supérieur envers ceux et celles qui l’ont précédée."

Un procédé antique

Comme dans la tragédie grecque, Sophie Deraspe a souhaité que l’histoire d’Antigone soit encadrée dans le film par des interventions du chœur : un collectif qui, sans être directement impliqué dans l’action, commente les événements vécus par les personnages. Elle confie :

"Je trouve que les réseaux sociaux agissent exactement de la même manière dans le grand théâtre de la sphère sociale contemporaine. Ils sont désormais le murmure de la cité. Les chœurs/réseaux sociaux prennent position au fur et à mesure que l’histoire avance, commentent les faits, les tordent parfois, ou s’en inspirent. Quand Antigone est malmenée dans la représentation qu’ils donnent d’elle et de ses frères, son ami Hémon contribue à faire rayonner sa cause. Finalement, Antigone puise aussi dans ces chœurs une puissance et un élan qui donnent à son action une portée qui dépasse le cadre de sa famille."

Côté photographie

Sophie Deraspe voulait que la photographie distingue visuellement les espaces intimes des espaces sociaux où se déploient les différents visages de l’autorité. "Ainsi, on a imaginé traiter l’appartement familial d’Antigone, les rassemblements de jeunes, tout comme le garage d’Hémon et leur coin de nature urbaine — leur jardin secret — avec chaleur : couleurs vives et foisonnement de détails. Le poste de police, le palais de justice, la prison, le centre jeunesse et la maison de Christian (le père d’Hémon), eux, déclinent une palette froide, minimaliste et crue : c’est alors la fonction qui prime, impersonnelle et sans équivoque", explique-t-elle.

Un long casting

Pour trouver les interprètes principaux, Sophie Deraspe a lancé un appel à travers les réseaux sociaux et a solicité l’aide de professeurs qui enseignent à la jeunesse diversifiée qui reflète aujourd’hui le Québec. La réalisatrice se rappelle :

"Nous avons reçu plus de 850 candidatures et vu en audition près de 300 personnes ! Les actrices et acteurs finalement retenus interprètent pour la première fois des rôles principaux dans un film, dont Nahéma Ricci, toute désignée pour le rôle-titre. Notre travail fut attentif et assidu. Nous nous sentions toutes les deux porteuses d’une grande responsabilité en incarnant Antigone à l’écran. Ces colossales auditions m’ont permis aussi de rencontrer des jeunes gens aux multiples talents qui ont contribué à la composition de la musique originale du film et à l’animation des chœurs."

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