Autant le dire tout de go, Petite Nature est une pépite, une merveille. Avec des moments qui touchent les étoiles, et une virtuosité autant sur le fond que sur la façon dont nous est contée cette déchirante histoire, avec dans la pudeur, une authenticité grandiose.
Dans Petite Nature, Johnny fait l’expérience de la rencontre… Celle avec ce professeur, dont il sent instinctivement que la présence a le pouvoir de le faire basculer. A travers cette nouveauté, il rencontre aussi une classe sociale étrangère à la sienne, qui semble plus équilibrée et inclusive, et dont il veut d’emblée se rapprocher. D’où les multiples questionnements qui traversent l’esprit du jeune garçon et une forme de fascination qui inexorablement s’installe. Johnny, aussi bien ne serait-ce que par son prénom, mais surtout dans ce qui joue avec cette mère seule, a été « parentifé » bien trop vite. Enfant du milieu, il est un substitut éducatif pour sa petite sœur et un éventuel souffre-douleur pour un grand frère qui a déjà basculé dans le rien à tout point de vue.
Dans un milieu social égratigné et gratiné… Ou rien n’est épargné…. Johnny est comme prisonnier d’une terrible inconséquence maternelle, ou le paradigme de l’éducation et de la protection est inversé. Aux yeux d’une mère, dont par des brulantes ellipses, on devine le propre cassage dans le parcours, il est objet et non sujet. Le désordre affectif et la confusion des places est manifeste pour le jeune garçon, qui va faire comme il peut dans une construction psycho-affective pleinement entravée. Dans l’incroyable série Anna (2021) de Niccolo Ammaniti, l’on perçoit tragiquement les conséquences désastreuses de cette absence parentale.
Et puis il y a Aliocha Reinert…. Sa performance est tout simplement hors normes et complètement inoubliable…. Il écrase tout…. Magnétique, lumineux, troublant, les adjectifs sont à ré-inventer pour une telle prestation, tant il envahit l’espace et peut vous tirer les larmes… Il y a comme une infinie profondeur et une saisissante émotion dans les nuances azurées de son regard. Aliocha, en dehors « d’aimanteur à caméra », fait de la danse contemporaine et classique… Et clairement, le moindre de ces mouvements dans le film est délicat et chorégraphié… C’est une interprétation majeure et qui, souhaitons-le, n’a pas fini de faire parler… Petite nature est puissamment beau dans cette affirmation d’émancipation. Le film est traversé par d’immenses et innombrables moments de véritables grâces cinématographiques. Du haut de ses 14 ans maintenant, Aliocha résume ainsi le film mieux que tout ce que l’on pourra écrire : « C’est un moment de grand questionnement sur la vie ». Il a 1000 fois raison, c’est monumental, les caméras pleurent encore…