"Edward aux mains d'argent" parle de différence. C'est le reflet de notre société, effrayée et rejetant ce qu'elle ne connaît pas.
Le film parle d'Edward (Johnny Depp ), un homme créé par un savant (Vincent Price) habitant dans un manoir en haut d'une montagne. Malheureusement, celui-ci est mort avant de pouvoir lui donner des mains. Edward se retrouve donc avec des ciseaux et des couteaux à la place de celle-ci. Lorsqu'un jour, une prospectrice pour des cosmétiques, Peg (Diane Wiest), l'emmène vivre avec sa famille dans une résidence où la moindre inhabitualité devient la nouvelle attraction, il va essayer de s'habituer à cette nouvelle vie malgré sa différence...
En effet, la différence d'Edward avec les autres est très marquée.
Premièrement, il est entièrement vêtu de noir, comme le manoir, contrairement aux maisons qui sont très colorées.
Il devient vite la nouvelle curiosité, la bête de foire par sa différence. Tout le monde veut le voir, le séduire, on félicite ses talents de sculpteur, de coiffeur, pour mieux le huer, abuser de lui et l'accuser au moindre faux pas.
"He will always be different." (Il sera toujours différent.) Cette réplique représente entièrement le film. Tim Burton nous dit, par la bêtise et la cruauté de la plupart des personnages, que dans notre monde, la différence ne sera jamais acceptée, même si une lueur d'espoir vient éclairer notre quotidien...
Et, en effet Edward ressent sa différence, et on le voit notamment avec la scène où il déchire la tapisserie et le rideau de douche en se regardant dans le miroir. La haine de soi se fait énormément ressentir. Il perçoit qu'il ne se fera jamais accepter comme il est dans cette société où la différence n'a pas sa place.
Cela m'a brisé le cœur car Edward est gentil, innocent, il a la candeur d'un enfant... Et c'est comme cela que Tim Burton nous porte le coup de grâce, grâce à ce personnage quasiment muet, livré au monde, et incompris, comme lorsque personne ne comprend qu'on l'a forcé à commettre un vol... Il est seul. Et Tim Burton a eu une idée de génie pour ce rôle, risquée, mais qui a porté ses fruits, en faisant appel à Johnny Depp. Lui qui jusque là, jouait le play-boy, le séducteur, il a réussi (et il faut voir comment) à incarner Edward, avec des tonnes de maquillage, avec ce costume si complexe, et ce personnage si muet, si enfantin... C'est là un véritable tour de force.
"Edward aux mains d'argent" est violent.
Mais ce n'est pas une violence visuelle, ce n'est une violence verbale (on ommettra les "freak" et autres choses du même genre), c'est une violence psychologique. Edward, qui a grandi si longtemps à l'écart, apprend la méchanceté des humains au fur et à mesure de son séjour dans la résidence.
Cependant, il y a aussi beaucoup de féerie dans tout le film... Et il y a Kim (Wynona Rider), la fille de Peg. Elle est prisée, populaire... Et Edward va en tomber amoureux. Au début, en bon personnage superficiel qu'elle est, elle va se moquer de lui, l'éviter. Mais, durant le long du film, elle va tomber amoureuse, car elle aura su déceler qui il est vraiment en dessous de ce corps effrayant, comme lorsque Peg, derrière la façade de film d'horreur du manoir, avait découvert le jardin : "It's beautiful...".
Mais tout les différencie : elle est populaire, il est rejeté et abusé. Elle est "belle" (mais la beauté n'est-elle pas subjective ?), il a une apparence fantasmagorique, à la limite du gothique. Au delà de cela : c'est une humaine, c'est un robot.
Et voilà un amour impossible entre les deux, sans pour autant qu'il ne nous réserve pas quelques moments magiques. Je pense notamment à la scène où Edward sculpte une statue de glace, et Kim danse sous la neige produite par les "copeaux de glace" de la statue. Elle est heureuse car elle aime Edward, c'est le réveillon de Noël, et elle se moque du regard des autres... Et la musique de Elfman est l'apothéose, la cerise sur le gâteau, une musique unique, magnifique... Il est là, le véritable hymne à l'amour de Tim Burton, ce moment comme entre deux mondes, où l'on ne distingue plus ce qui est réel du reste... Et pourtant, il est gâché par Jim (Anthony Michael Hall), le petit copain de Kim. Toujours la lueur d'espoir avant les ténèbres...
Cet amour impossible est représenté par seulement ces deux répliques entre Kim et Edward :
" -Hold me.
-I can't.''
(-Serre-moi.
-Je ne peux pas.)
Bien sûr, il y a le fait qu'Edward a des objets tranchants à la place des mains, mais surtout, Edward restera toujours le monstre, la créature, le bizarre que les autres ne pourront jamais accepter, et celui qui ne pourra jamais aimer quelqu'un comme Kim, trop parfaite...
Tim Burton nous a offert avec ce film l'un des plus beaux monuments du cinéma, peut-être même le plus beau. En tous cas, il est sûr qu'il marquera les coeurs et les esprits.