Après la lecture de deux adolescentes en quête d’un projet amoureux dans « Booksmart », Olivia Wilde quitte Netflix pour le grand écran. Son second long-métrage possède alors tous les arguments pour nous donner rendez-vous au centre d’un supposé thriller dans les années 50, garni d’un casting aussi précieux qu’original. Et à travers les tourments du projet, le film semble révéler une volonté de débattre sur la place d’une femme au centre d’une communauté, loin d’être aussi banale que dans « Midsommar ». L’actrice en tête d’affiche témoigne ainsi d’une implication remarque, juste assez pour que le récit n’agonise pas de ses multiples sabotages, car l’œuvre souffre de son concept et de sa narration, qui ne sait pas comment distiller des indices sur un lieu mystérieux ou son angoisse.
Une fête s’ouvre sur des personnages ivres de leur condition et de leur amour. Le couple Chambers évolue dans une zone pavillonnaire, où chaque mètre carré est dupliqué, rappelant ce fameux rêve américain d’antan. Reléguons légèrement les soucis de ségrégation et il s’agit d’une modeste vie pour des hommes matinaux et des femmes qui jouissent de leur temps libre aux tâches ménagères et aux cocktails de commérages, jusqu’au retour de leur compagnon. Ces quelques minutes de routine suffisent à interpeller le spectateur, afin qu’il questionne la flamboyance de cette oasis de paix, ou presque. Quelque chose cloche inévitablement et si on a au moins été une fois confronté à ce genre de tambouille de science-fiction, « Black Mirror » et « Westwolrd » pour les séries ou « The Truman Show » et « Alice au Pays des Merveilles » pour les films, il serait vain de s’accrocher au twist qui s’annonce. Il n’est donc pas surprenant, ni subtil de nous balader en nommant son protagoniste Alice (Florence Pugh), qui a pour amie proche une certaine Bunny (Olivia Wilde).
Sachant cela, il est compliqué de pleinement s’investir dans le parcours de l’héroïne, qu'on aura très vite fait de brosser le portrait et les limites de sa communauté, aussi toxique que sa relation avec Jack (Harry Styles), une sorte de mâle alpha, uniquement caractérisé par des scènes qui tente en vain de justifier son amour. De même, la figure christique de Frank (Chris Pine) se révèle presque hors-sujet, à force d’exister dans une voix-off qui joue la carte de l’hypnose et de la suggestion, chose que le film ne parvient jamais à s’armer pour convaincre son audience. Des jeux de miroir et d'hallucinations nous ferons alors patienter, mais le procédé est suffisamment répétitif pour qu’on lâche rapidement l’affaire. Seul le décor subsiste et pourrait résonner dans le traumatisme, qui berce Alice et sa fuite interminable, sans idée de mise en scène, à part nous donner le sentiment de vertige lorsque la caméra suit une trajectoire circulaire autour de l’héroïne, preuve que la détresse vient d’ailleurs.
Le plastique, le synthétique et le renversement du patriarcat sont tristement survolés, tandis que l’on observe solennellement des outils factices du quotidien, qui manquent de la tuer Alice à la tâche. « Don't Worry Darling » a en cela d'intéressant, un regard moqueur sur cette nostalgie truquée du vintage et d’une tout autre époque précédente la nôtre. Cette pop culture fantasmée est une machinerie aussi grande que sa bêtise, lorsqu'elle est allègrement vampirisée avec dédain. Malheureusement, il ne s'agit que d'un axe secondaire, qui aimerait tendre vers le viscéral, mais s'écrase sous le poids de la culpabilité et celui d'une mauvaise complicité.