Les plus utilesLes plus récentesMembres avec le plus de critiquesMembres avec le plus d'abonnés
Filtrer par :
Toutes les notes
Un visiteur
5,0
Publiée le 28 juillet 2007
Dans le Japon moyenâgeux, les idées trop libérales d'un Gouverneur de province provoquent la dislocation et la destinée malheureuse de sa famille. "Un homme fermé à la pitié n'est pas humain. Sois dur pour toi-même et généreux pour les autres. Tous sont égaux et ont droit au bonheur." Telles sont les dernières paroles promulguées par le père avant la séparation de la famille. Paroles que le fils, devenu adulte et passant de la passivité à la combativité, s'efforcera d'appliquer dans ses actes. Pamphlet contre l'esclavagisme, film initiatique, "L'Intendant Sanshô", magnifié par sa photo en noir et blanc, est un film majeur.
Quel beau film! A tous les niveaux, "L'intendant Sansho" est une oeuvre remarquable. La première partie du film est la description de l'effondrement social d'une famille de sang noble qui va progressivement sombrer dans la déshumanisation la plus totale: le père est forcé à s'exiler en raison de ses idées trop libérales (il a soutenu et pris le parti de paysans), la mère est chassée par sa propre famille et doit fuir avec ses deux enfants. Ceux-ci seront enlevés et réduits à l'esclavage; quant à la mère, elle sera envoyée sur une île où elle deviendra "la dame", une prostituée très convoitée qui passera tout le reste de sa vie à pleurer ses enfants. Cette première partie du film se révèle donc émotionnellement très éprouvante, mais littéralement sublimée par la caméra de Mizoguchi. Celui-ci parvient à retranscrire merveilleusement le calvaire de cette famille, à nous faire ressentir profondément leur drame intérieur. La suite du film constitue la lutte du jeune fils Zushio pour quitter sa condition d'esclave et retrouver sa famille. Fidèle aux enseignements de son père qu'il avait recu tout petit ("Un homme sans pitié n'est pas humain. Sois dur avec toi-même, généreux avec autrui"), Zushio va gravir les échelons sociaux afin d'abolir l'esclavagisme. Véritable hymne à la révolte et à la lutte sociale, le film est une immense leçon de morale et une critique sévère des pouvoirs politiques. Il est aussi, en dehors de son profond message humaniste, d'une beauté visuelle extraordinaire, pleine de poésie, prouvant une fois de plus l'immense talent de Mizoguchi. Je vous invite donc vivement à découvrir (ou redécouvrir) la filmographie de ce maître incontesté du cinéma japonais.
Tout en retravaillant ses thèmes de prédilection (l'oppression, la cruauté des puissants, la prostitution, la noblesse de la femme), Mizoguchi en offre dans "l'Intendant Sansho" une lecture plus radicalement politique, qui culmine pendant les dernières 45 minutes, d'une grande tension et d'une profonde émotion. On comprend alors la raison de la construction très linéaire d'un récit, qui a pu sembler jusque là très appliqué, voire fastidieux : en arriver exactement là où le grand maitre voulait nous emmener, après avoir été témoins de cruautés et de déchirements interminables, c'est-à-dire à la révolte, puis à la plus profonde humanité.