Toujours aussi pénétrant dans ce qu'il dit de nos rapports humains, Bergman reste avec ce Sonate d'Automne plus austère que jamais un peu en marge de l'émotion. J'ai été étouffé par le film, marqué par la violence de son affrontement qui oppose une mère narcissique à sa fille fragile et en recherche d'attention, bien sûr. Le rapport de force qui lentement s'y invertit tend impitoyablement à mettre à jour la dureté implacable qui finit par s'emparer de l'esprit d'une fille aimante mais bafouée, qui finit par arborer une armure granitique plus violente encore dans les coups de boutoir qu'elle inflige à sa génitrice que l'indifférence ou la fausseté de celle-ci. Dans l'ensemble, je trouve quand même que Sonate d'Automne tourne un peu trop au procès à charge, dirige trop ses accusations vers un unique personnage pour pouvoir me garder complètement impliqué. C'est sans doute un choix honnête, puisqu'il rappelle que l'égoïsme humain n'est pas toujours contre-balancé, mais je finis par en concevoir un pathétique involontairement marqué envers le personnage d'Ingrid Bergman, non plus en temps qu'un humain bardé de défauts mais toujours pourvu de l'innocence de ce qu'il ne les a pas choisis, mais en temps que personnage, en temps qu'objet porteur de tares un peu trop appuyés, de création émotionnellement répudiée par l'auteur. Cela déséquilibre pas mal le film, qui demeure d'une clairvoyance et d'une vérité rare, mis en boîte avec la froideur feutrée qui lui réserve la même texture qu'une étoffe mortuaire, qu'un suaire qui enveloppe avec devoir et gravité une image morte de l'être humain. J'aime notamment beaucoup les flash-backs, courts et concis, version atténuée de ceux de Cris et Chuchotements, et par lesquels Bergman regarde avec sévérité une humanité dont il comprend toujours les fêlures mais tend sans doute moins facilement encore à les pardonner. La dernière lettre de la fille à sa mère, d'ailleurs, énonce toujours comme un leitmotiv la volonté d'aller vers le pardon et une ouverture à l'autre, mais le fait de façon là-aussi austère, le film s'acquittant d'un devoir qu'il refuse jusqu'au bout de draper dans des atours de sainteté ou de grâce. C'est un peu froid à mes yeux, mais toujours remarquablement intelligent, et d'une violence que peu d'auteurs arrivent à trouver, parce qu'elle vient de régions intimes dont on ne peut nier la vérité brute quand elle nous est mise devant les yeux.