Le fruit du hasard réserve parfois bien des surprises et pour cause : Lettres d'un homme mort (1986) est un film soviétique évoquant une catastrophe nucléaire, il est sorti au cinéma seulement quelques mois après la terrible catastrophe de Tchernobyl. Réalisé par Konstantin Lopouchanski, ce dernier a été assistant de production sur Stalker (1979) d'Andrei Tarkovsky.
Il s’agit ici de son premier long-métrage à travers lequel il exprime son angoisse liée à l’apocalypse nucléaire, un thème récurrent chez lui, puisqu’il y fera référence dans d’autres de ses films, tels que Le visiteur du musée (1989) qui pourrait être considéré comme la suite de son premier film, ainsi que dans Les vilains petits canards (2006).
A travers son film, le réalisateur nous entraîne dans le monde d’après, au cœur d’un pays indéterminé. L’apocalypse nucléaire y à tout dévasté, tout n’est que désolation et déshumanisation. On ne sait rien de l’endroit où l’on se trouve (en l’absence d’alphabet cyrillique, on peut affirmer que l’intrigue ne se déroule pas en Union Soviétique), encore moins des évènements à l’origine de cette explosion atomique et on n’est guère renseigné concernant les protagonistes qui évoluent dans le film.
Mais ces absences d’information ne nous empêchent absolument pas d’apprécier à sa juste valeur ce film hautement symbolique, qui découle de 40ans de Guerre Froide et où la peur de l’holocauste nucléaire était particulièrement présente. Konstantin Lopouchanski nous entraîne au cœur d’un monde en perdition, en dépression, anéantie, en proie aux flammes et au désespoir. Une étrange lumière pâle englobe tout à l’horizon, nous laissant entrevoir une destruction totale à des km à la ronde. Les rares survivants végètent dans des caves humides et tentent de survivre au cœur d’un hiver nucléaire où l’air y est irrespirable.
Ce qui frappe en premier lieu à travers ce film, c’est le parti pris esthétique, telle que l’utilisation de couleurs monochromes (le film est quasi intégralement filmé avec un filtre jaune-orangé, à l'image d'Avalon (2001) de Mamoru Oshii). Le réalisateur s’était-il inspiré de Tarkovsky qui avait réalisé les 30 premières minutes de Stalker en sépia ? Autre élément qui vous marque durablement après le visionnage, c’est cette irrémédiable impression de réalisme qui colle au film, des costumes en passant par les décors. Sans oublier la scénographie qui est tout bonnement sidérante et nous aide à pleinement prendre part au film et à s’immerger avec une étonnante aisance.
Une œuvre à la fois très particulière tant dans le fond que dans la forme. Âpre et brute de décoffrage, incroyablement pessimiste, désenchantée et alarmiste. On imagine à quel point le film a dû être un choc, voir un bouleversement à sa sortie, surtout après la catastrophe de Prypiat.
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