Entre les deux, mon coeur balance.
Je me lance, je préfère la première mouture, l’inversion d’origine.
Même si Gaspard Noé n’a rien inventé en commençant son film par la fin puisqu’il a été impressionné par « Memento » de Christopher Nolan, son récit demeure pas moins un choc d’une puissance frontale hallucinante.
En ce qui me concerne, j’avais été très impressionné par ce montage qui débutait de façon hystérique à peine visible. Contrairement à certains, j’étais comme hypnotisé par cette musique étourdissante et ces images tourbillonnantes.
Evidemment, le pourquoi de cette hystérie dopante nous est expliqué avec la scène du viol, insupportable. Récit qui se terminait par un « faux happy-end » pour reprendre les termes de Gaspard Noé.
Un puzzle captivant à reconstituer.
L’émotion était là avec cette scène du viol, puis la douce séquence d’amour entre Alex et Marcus.
Mais il ne fallait pas s’y tromper, la fin du récit n’est pas la fin du film. Ce n’est pas le calme après la tempête. D’où cette expression de Gaspard Noé : « un faux happy-end ».
Avec « Irréversible - inversion intégrale », on repart de zéro, on a le calme avant la tempête.
Cependant, comme c’est un film qui vous marque vraiment les tripes, le revoir vingt ans après, même à l’endroit, j’appréhendais la scène du viol.
Quelle scène ! Insoutenable !
Et tellement bien jouée.
« Cette séquence était bien plus violente à regarder pour le spectateur qu’à filmer pour moi. Je n’ai pas eu l’impression de me sentir violée en tournant cette scène. » Tels sont les propos de Monica Bellucci.
Résultat réussi, en tant que spectateur je me suis senti de nouveau mal à l’aise, comme un voyeur, scotché par l’horreur, impuissant à réagir. J’ai oublié que c’était du cinéma. Et c’est ça que j’aime. Oublier la caméra, oublier les acteurs, oublier que c’est du cinéma pendant un laps de temps.
Pendant cette scène du viol, Gaspard Noé, grand directeur d’acteurs, s’amuse si je puis dire, à y placer une silhouette dans ce passage rouge sang. Elle s’arrête, certainement choquée puis repart. Là, Gaspard Noé ne veut pas faire intervenir un héros, un homme qui se serait interposé pour mettre fin au calvaire d’Alex. Gaspard Noé illustre la lâcheté à travers cette silhouette…
A moins qu’elle ait appelé des secours, ce qui expliquerait peut-être l’arrivée de la police.
Et les cris d’Alex - bestial, primaire -, m’indisposaient ; à travers ces cris, c’étaient toutes les femmes victimes qui s’exprimaient qui résonnaient de par le monde.
Ce que l’homme peut être crapuleux.
Du reste, « Irréversible » à l’endroit à l’envers est en effet un film féministe comme le revendique Monica Bellucci : « Un film féministe fait par un homme ». Celui-ci nommé Gaspard Noé se dit « testostérophobe ».
Il est vrai que ces personnages masculins n’ont pas le beau rôle, même Marcus, qui avant cette tragédie, se dope, embrasse des femmes, se montre grossier au point qu’Alex décide de quitter la fête. Elle rejette cet aspect de Marcus.
Selon Gaspard Noé, le public n’a plus besoin de reconstituer le puzzle, « il est plus clair » ; c’est vrai, le récit est beaucoup moins éprouvant à l’endroit, toutefois, démarrer le film avec la vengeance hystérique de Marcus me plonge d’emblée dans l’horreur. Le spectateur est de suite saisi au col, il est comme asphyxié.
Cela dit, les deux versions se complètent.
Enfin, d’aucuns parleront de complaisance de la violence, de violence gratuite ; un feu de paille qui ne mérite pas tant de foin. C’est comme tout, c’est affaire de goût et d’émotion personnelle.
I comme Irréversible et insoutenable pour un V comme viol et vengeance.
« Irréversible » à l’envers, à l’endroit, reste pour moi une expérience cinématographique rare.