"Why Don’t You Just Die" s’est vu attribuer au PIFFF (Paris International Fantastic Film) 2019 la récompense de l’Oeil d’Or du meilleur long-métrage par les spectateurs, ainsi que le Prix des lecteurs de Mad Movies. C’est le premier long-métrage du réalisateur (mais aussi scénariste et monteur : excusez du peu !) russe Kirill Sokolov qui finalement me rappelle un certain cinéma espagnol complètement barjot ("Le Crime Farpait", "Action Mutante", "800 Balles", "Le Jour de la Bête", "Balada Triste", "Les Nouveaux Sauvages"). Alors, mérite-t-il réellement toutes ces récompenses ? Et bien soyons franc : oui, cette sacré petite péloche russe vaut sacrément le coup d’œil ! Sokolov nous présente donc un postulat de base aussi inattendu qu’intriguant (un jeune homme avec un marteau en main sonne à l’appartement d’une personne qu’il est décidé tuer) pour nous propose un incroyable jeu de massacre surboosté dans un lieux confiné : le bonhomme possède un univers particulier qu’il choisit de nous faire partager et dont les influences sont nombreuses (les films de genre, le western spaghetti, les pulps, l’exploitation, Quentin Tarantino, Sergio Leone, Park Chan-Wook, Sam Raimi). Et le spectacle qu’il propose est tout simplement hallucinant : Sokolov multiplie les trouvailles de mise en scène, à grands coups d’inserts et de variations d’échelles, afin d’exploiter le moindre recoin de son décor quasiment unique (95% du film se passe dans un appartement). Les multiples angles de vue ne sont jamais vains, et toujours mis au service du récit (comme cette impressionnante discussion filmée en travelling circulaire), les effets sont nombreux et extrêmement efficaces (travellings, plongées/contre-plongées, ralentis, colorimétrie flashy, saturation, cuts ultra rapides…). Tout dans le lieu, tous les recoins des pièces sont utilisés judicieusement au millimètre et tous les mouvements de caméra et effets de mise en scène apportent un rythme et une originalité à une histoire pourtant déjà vue : cette dernière évolue constamment et jamais le film n’est ennuyeux, on est scotché à l’écran pour savoir ce qu’il va suivre ! On accepte alors sans problème cet univers cinématographique à part entière qui possède ses propres lois, quelles soient cruelles ou comiques ; et on assiste presque avec complaisance au jeu de massacre qui se déroule sous nos yeux. D’ailleurs, l’une des forces du film est justement cette alchimie bizarre entre cruauté et comique : très rapidement on comprend que les protagonistes font preuve d’une résistance physique incroyable (vous vous souvenez du titre du film ?) : cette résistance permet d’enchaîner des scènes de combat d’une brutalité inouïe et d’un gore à outrance dont les personnages ne cessent de se relever malgré leurs blessures quasi fatales ! On a l’impression de voir une sorte de fusion insolite entre "Evil Dead" et tex Avery (qui a dit "Happy Tree Friends" ?! ^^) et on nage dans l’exagération la plus totale, le film se permettant tous les excès les plus hallucinants :
ça frappe au marteau, ça tire au fusil, ça fracasse la tête contre les murs, ça perce la chair avec des outils, ça projette des télés, ça plante au couteau, ça explose les dents et il pleut des hectolitres de sang
….et malgré tout ça, personne ne veut crever !!!! L’idée est absolument géniale car, en plus d’imposer une ambiance particulière qui sied bien à l’univers du métrage, elle permet de créer des idées de mise en scène et de l’humour à partir des personnages eux-mêmes qui subissent autant de cruauté. Parlons-en justement des ces personnages : ils sont tous plus tordus les uns que les autres qu’il s’agit
du mauvais père doublé d’un traître, de la fille gâtée et manipulatrice, du jeune couillon totalement soumis à ses sentiments ou encore du collègue flic volontairement corrompus
…Ils sont égoïstes, insensibles, impulsifs et finalement c’est leur propre cruauté personnelle qui se retourne contre eux pendant tout le métrage. Cette critique de l’âme humaine est assez intéressante car elle permet d’expliquer l’outrance et la folie du spectacle auquel on assiste…mais Sokolov est tout de même assez malin pour y saupoudrer quelques critiques supplémentaires sur son pays comme l’opposition générationnelle entre jeunes et vieux et celle quasi politico-idéologique entre la jeunesse russe et les institutions de l’Etat soviétique. Les acteurs (qui sont d’ailleurs au nombre incroyable de 5 !!) portent le film sur leurs épaules et sont absolument formidables : bien entendu ils nous sont totalement inconnus, mais je ne cache pas que j’aimerais bien revoir le jeune Aleksandr Kuznetsov à l’avenir car il possède un je-ne-sais-quoi qui me plaît, un peu comme je l’avais ressenti à l’époque pour Ewan McGregor dans "Trainspotting". Après "Hardcore Henry", "Why Don’t You Just Die" nous prouve que la Russie possède bien elle aussi un sacré cinéma de genre, et finalement il mérite amplement sa sulfureuse réputation qu’il a obtenu au PIFFF 2019 : extrêmement maîtrisé et inventif, mélangeant habilement thriller et comédie ultra noire, le premier long-métrage de Kirill Sokolov est un véritable western déjanté et gore aux multiples rebondissements. Une incroyable petite claque que je ne résumerais que d’une seule façon : à voir A-B-S-O-L-U-M-E-N-T !!!