Adapté d’un livre réputé inadaptable de l’auteur américain Jerzy Kosinsky, ‘The painted bird’ suit pendant plus de deux heures trente, l’odyssée, ou plutôt le calvaire d’un jeune garçon au coeur des ténèbres de la Seconde guerre mondiale. Avec son noir et blanc esthétisant, sa lenteur, son extrême économie de dialogues, l’attention qu’il porte aux détails allégoriques les plus obscurs, on ressent avec force l’extrême prétention du cinéaste, qui est en train de filmer son chef d’oeuvre et qui tient à ce que tout le monde le sache. Cette vanité ne poserait aucun problème si ‘The painted bird’ était effectivement un chef d’oeuvre à l’arrivée mais, en plaçant sa démarche sous le signe de l’horreur et du nihilisme, Václav Marhoul se laisse emporter par son élan et franchit un palier, celui qui sépare la volonté de montrer l’horreur frontalement et sans hypocrisie de la complaisance pure et simple à des fins de provocation. D’une extrémité à l’autre, le film s’apparente à un long catalogue d’avanies et de cruautés qui semble donner corps aux pires fantasmes qu’on peut nourrir sur le monde slave : sans autres explications que l’arriération sociale et culturelle, l’enfant sera humilié, battu, affamé, torturé, abusé sexuellement par des hommes comme par des femmes. Il sera vendu et attaché comme un animal, assistera à des suicides et à des viols collectifs, échappera à la mort de la main de soldats allemands ou de partisans soviétiques, volera, mentira, attirera ses tourmenteurs dans des pièges mortels. Pour peu que vous soyez du genre à ressentir dans votre chair le contenu des films, vous vous sentirez immanquablement souillé et désespéré au sortir de la séance, écoeuré par ce tableau uniformément noir de l’humanité. Il est difficile de croire qu’il ne s’agissait pas de l’objectif exclusif poursuivi par le réalisateur, celui de faire parler d’un film autrement voué à un certain anonymat, car un tel jusqu’au-boutisme, inédit et inégalé dans sa noirceur définitive, peut-être bien depuis aussi loin que ‘Les 120 jours de Sodome’ de Pasolini, fait taire toute empathie pour le moindre des protagonistes du film..