Je viens de revoir le film sur Canal (avril 2023) après l'avoir vu au cinéma à sa sortie il y a six mois. Je crois que je le préfère encore aujourd'hui. À l'époque j'avais été déçu par l'approche du film, qui n'est
pas du tout de poursuivre l'affrontement entre Michael et Laurie. Le réalisateur est parti sur une toute autre histoire, qui cependant revient sur les deux dans sa dernière partie. Aujourd'hui, alors que je ne ressens plus la frustration de la fin de Kills, je suis plus ouvert à la proposition du réalisateur, qui en effet déjoue les attentes. La figure centrale de Ends, c'est Corey. L'intro du film, glaçante, le montre devenir un monstre aux yeux des gens, quand il pousse accidentellement le petit garçon qu'il gardait, du haut du troisième étage, après que celui-ci l'ait enfermé dans le grenier pour le terroriser (horrible le gamin), le tout sous les yeux de la mère venant de rentrer et n'ayant aucune idée du contexte et des circonstances. Elle voit juste Corey un couteau à la main surplombant le corps de son fils sans vie et en déduit qu'il l'a tué. Ellipse de 3 ans. Corey a été reconnu innocent par la justice mais les gens qu'il croise dans la ville sont prompts à lui rappeler l'accident et à le traiter de tous les noms. Petit à petit on réalise que la vie de Corey est une succession d'abus : sa mère incestueuse, des jeunes lycéens qui le maltraitent dans la rue, des quidams qui le traitent de tueur... Dans une scène-clef, Corey rencontre Michael Myers dans le trou où il se cache et, alors que Michael le tient par le cou tout près de lui, Corey a une succession de flash-backs dans lequel il revoit diverses agressions qu'il a subies. Il arrive à se libérer, sort et dans la minute suivante est menacé par un SDF avec un couteau ; dans un acte a priori de légitime défense, il retourne le couteau contre le SDF et le poignarde. À partir de là, deux hypothèses. Soit Michael lui a transmis le "virus" du Mal ; soit le face-à-face avec Michael lui a fait réaliser qu'il pouvait se venger de tous ceux qui l'ont oppressé en les tuant. La confrontation avec le SDF, et son meurtre, le font rentrer de plain-pied dans cette nouvelle (sanglante) réalité. Ça a relativement du sens je trouve, mais c'est peut-être dommage que le réalisateur ait laissé planer l'ambiguïté quant à une éventuelle "contamination fantastique" (les fameux flash-backs quand Michael tient Corey) puisque cette hypothèse n'est pas du tout développée et qu'au contraire le film est de plus en plus clair quant à la vie terrible de Corey (la révélation sur sa mère incestueuse intervenant plus tard). J'a bien accroché à cette figure tragique que constitue Corey ; il devient méchant mais il me semble que le film montre assez clairement que ce n'est pas parce qu'il a le Mal en lui, plutôt que parce qu'il a subi toute sa vie des abus contre lesquels il n'était pas protégé. Michael Myers lui a simplement montré une voie lui permettant de redresser les torts, en quelque sorte. Je suis franchement triste pour lui car Allyson, la petite-fille de Laurie, lui avait clairement ouvert son cœur et se sentait proche de lui. Il y a un monde où les deux auraient pu être heureux ensemble, je crois ; mais le Corey de notre monde a été trop souvent abusé pour qu'il reste autre chose que de la haine dans son cœur. Enfin, le film avance et après des scènes où Allyson se met elle aussi à culpabiliser Laurie pour les meurtres de Michael (pas trop compris), Corey se décide à assassiner Laurie (qui voit ce qu'il est devenu et ne veut pas qu'Allyson parte avec lui) et il est suivi par Michael. S'en suivent vingt minutes sous très haute tension dans la maison de Laurie, qui va affronter non pas un mais deux tueurs, et mettre un terme définitif à la terreur de Myers. C'est une séquence qui est comme qui dirait la réalisation d'un fantasme de film d'horreur, à savoir l'exécution méthodique et minutieuse d'un tueur horrible et increvable. Combien de fois on a rêvé que les héros d'un film fassent aussi bien les choses que Laurie dans cette séquence ? Il faut la voir empaler tous les membres de Myers, lui poignarder le flanc, lui couper la gorge et lui tailler les veines. Et ce n'est pas fini ! Ensuite, TOUTE la ville se réunit pour transporter, dans un silence religieux, le corps de Michael jusqu'à la casse... La scène est fantastique. C'est un procession funèbre, nocturne, pour mettre fin à un cauchemar, pour se prouver une bonne fois par toutes que le Mal est détruit, et que l'on peut de nouveau dormir la porte ouverte. J'ai trouvé la scène fascinante, jouissive, tendue (va-t-il se relever au dernier moment ?) et tout à fait inédite dans le cinéma d'horreur. Alors, oui, Ends nous embarque dans une toute autre histoire que celle que l'on attendait ; oui parfois les dialogues entre Allyson et Laurie n'ont pas beaucoup de sens ; oui Michael est vieux et fatigué et on aurait aimé voir Laurie triompher d'un tueur en pleine forme ; et oui, oui, la confrontation finale entre Laurie et Michael arrive un peu par hasard par l'entremise de Corey. Mais j'aime vraiment Ends pour ce qu'il est parvenu à mettre en image, c'est-à-dire la tragédie de Corey et les questions qu'elle suscite autour de l'origine du Mal, et cette conclusion fantastique, courageuse et définitive à la saga Halloween. La musique électronique et l'ambiance nocturne sont toujours là et maintiennent le petit côté fantastique et inquiétant ; et bien sûr le masque de Michael Myers, toujours terrifiant. Et je salue le réalisateur qui est arrivé à toujours filmer son Michael sans montrer son regard, même quand il est démasqué (et il l'est lors du final, sans quoi il aurait pu subsister un doute sur l'identité de la personne massacrée par Laurie), pour que jamais il ne soit humanisé à nos yeux ; Michael reste ce monstre que l'on redoute, ce "petit garçon dans le corps d'un adulte et au cerveau d'un animal", comme il était décrit dans Kills.
En conclusion : imparfait mais j'en suis quand même fan !