Cela fait maintenant quatre ans que David Gordon Green s’est lancé dans une entreprise aussi périlleuse que stimulante, donner une seconde vie à une franchise particulièrement marquée par les méandres de la série B. En lui accordant des libertés sur la figure du légendaire croquemitaine masqué de John Carpenter, l’incantation aura au moins réussi à capter cette aura malveillante qui plane sur Haddonfield, à défaut d’en tirer l’efficacité souhaitée des scènes de massacres, sans âmes ni haine. Le mal est donc bien désincarné et ce n’est pas le chamboule-tout psychotique et collectif du volet précédent qui nous l’a fait découvrir. Le changement de perspective avait tout pour plaire, mais ce rendez-vous manqué débouche inévitablement sur une conclusion qui sonne comme une nouvelle fausse bonne idée, quitte à mettre de côté l’épique, la sororité du premier volet de la trilogie, ainsi que la continuité avec l’hyperbole de son périple, Kills.
Comment pouvons-nous retrouver nos personnages, suite à un tel massacre, dans une longue nuit qui n’en finissait plus ? Fatalement amochés, mais surtout vidés de leur substance guerrière. La logique de ce parti-pris témoigne d’un recul nécessaire, laissant alors le cinéaste et son équipe sonder les conséquences et les représailles d’habitants, qui sont devenus des monstres à leur tour et non à leur insu. Malheureusement, cette idée s’envole aussi rapidement qu’un enfant tombé de son nid, car l’ouverture viendra provoquer le spectateur, qui n’a plus que la peur pour le transcender. Le désir de violence passe par un acte violent à son égard et il fallait une touche des lus explicites, afin de nous replonger dans le bain. Blumhouse nous a habitué à mieux, sans forcément prendre son audience pour des loques, mais ici, le couperet est si peu aiguisé qu’il laisse plus de traces qu’il n’en faut sur son passage. Flashbacks et récapitulatifs sur voix-off se révèlent alors très insupportables.
Ce qui suit n’est pas non plus subtil et vadrouille sans point de vue, afin de noyer Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) et Allyson (Andi Matichak) dans un environnement toujours aussi toxique. Quant aux autres survivants, ne comptez pas sur nombre d’absences dans ce troisième acte fauché et qui essaye maladroitement de surfer sur l’ambiance du « Sang du Sorcier ». La désertion soudaine de Michel Myers laisse alors un vide qu’il faut combler et l’axe du pas si timide Correy (Rohan Campbell) semble bien s’acquitter de la tâche, avant que l’on fonce tête baissée dans les codes balisés du slasher, que l’on souhaitait initialement démanteler. La seconde partie de l’intrigue rembobine donc tout ce qu’il y a de convenu et nous le sert sans prétention et sans intensité. Ni les mises à mort des personnages détestables, ni la mise en scène, ni les héros, ni la musique parviendront à convoquer une réaction décente du public, pleinement engagé dans un marathon sanglant et qui n’attend qu’on lui offre sa dernière part du gâteau. Autant annoncé que son goût est fade, car mélangée à son lot de frustrations, la saga des Strode et de Myers est loin d’atteindre son repos espéré. En insistant sur la vieillesse d’un genre à l’agonie, le film se transforme, malgré lui, en un proto-nanar, qui n’a plus rien à faire des final girls et préfère camper derrière la résilience, comme accomplissement absolu et indéfectible.
On y hurle bêtement à la vengeance, avec la certitude de capitaliser sur un ultime affrontement mythologique, pourtant, « Halloween Ends » sonne creux après avoir rapidement épuisé ses cartouches. Il n’échappe pas à ses symptômes, qu’il a traînés depuis sa résurrection en 2018, mais ne laisse pas pourtant un souvenir impérissable, car sa quête mystique de la haine colle parfaitement avec le sujet. Dommage que l’on se soit uniquement contenter de l’étouffer avec une artificialité, qui rime avec des métaphores et allégories du mal. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la relecture est loin de s’en inspirer dans sa narration, qui continue de décevoir. Gordon Green est donc loin de rassurer pour tenir la trilogie de « L’Exorciste » qui s’annonce.