On l'avait lamentablement raté à Cannes (on avait préféré voir le casting sur le tapis, et demander le petit gribouillis de Mister Damon au passage) puis encore à Deauville (on n'a pas couru assez vite pour rentrer, à trente secondes près, ça nous aura valu une sandale). Une chaussure en moins et une affiche du Mans 66 signée en plus, on parvient enfin à voir Stillwater dans notre cinéma (la solution de facilité), et premier constat : il faut absolument voir ce film en VO, il y a vraiment trop de travail sur les langages franco-anglais entre les acteurs pour être balayés par la VF. Nous suivons un papa sans fille qui évolue au contact d'une jeune fille sans père, ce qui passe par l'apprentissage des langues respectives, et cela serait vraiment dommage de se priver de tous ces jolis moments de tendresse en quelques mots mal prononcés... L'intrigue policière, d'ailleurs, passe légèrement au second-plan derrière celle de la relation qu'entretiennent ces trois personnages en colocation, ce qui évite à Stillwater de sombrer dans le film policier d'enquête qu'on a déjà vu dix fois, pour s'offrir plutôt une ballade sans concession dans un Marseille loin des clichés habituels. Enfin on laisse tomber la carte postale idéaliste pour montrer quelques cités tenues par les jeunes violents, les rues sales et les papys qui sont proches des idées racistes, et une adulation pour l'OM qui ravira les intéressés (pour notre part, le foot...), soit une virée dans Marseille qui ose dire les choses, pour un film américain : chapeau. Matt Damon est à l'aise avec l'adorable Lilou Siauvaud (on a fondu bien souvent), Camille Cottin s'essaye à l'anglais avec un délicieux accent (on s'y reconnaît tous), et les rares apparitions d'Abigail Breslin nous auront au moins rappelé qu'elle n'a pas changé depuis Little Miss Sunshine (qu'on adule). Le rythme est soutenu, on n'a pas vu les 2h20 de film passer, et l'unique point que l'on déplore est d'ailleurs la fin trop concise, qui nous jette au visage une ellipse malvenue (
la fille est libérée
sans qu'on n'en voit une seule scène, on a l'impression d'avoir raté un épisode) et qui n'explique absolument rien sur le passé des personnages (
que s'est-il vraiment passé le soir du drame ? Qui a fait quoi ? Est-on sûr de ne pas avoir libéré une criminelle, et donc d'être en train de sourire à une fin immorale ?...
) ni sur leur avenir (
ils ne verront plus jamais la mère et sa fille ? Qu'en est-il de l'enquête policière de séquestration, dont ces dernières sont complices et le père accusé ?...
). Il manque vraiment beaucoup d'éléments de réponses à la fin, ce qui frustre profondément si l'on était jusque-là intéressés par l'histoire. Une frustration en plus de celle de ne presque jamais voir le visage de Matt Damon, sous la casquette et les lunettes omniprésentes (damned...). Même si on en attendait plus de sa résolution, Stillwater nous a vraiment intéressés avec son intrigue entre enquête et évolution des personnages, avec sa belle VO franco-anglaise hésitante, si tendre...