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JCDARGELOS
18 abonnés
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5,0
Publiée le 29 août 2020
Vu en avant-première à Genève il y a quelques mois, ce documentaire m'a bouleversé. La situation du réalisateur vient comme en miroir sur ma relation à ma propre grand-mère... et comme pour combler le manque de mon incapacité à faire ce que lui a fait : laisser une trace visible, audible et sensible de cette relation si particulière qu'un petit garçon a avec sa grand-mère, et en particulier quand ce petit garçon est "sensible", comme on disait pudiquement. Il est intéressant de voir également l'excellent A Family affair sur Netflix, qui explore une facette encore plus trouble chez une autre grand-mère particulièrement égocentrée et séductrice. Deux chefs-d'œuvres qui m'ont transporté. À mon humble niveau, il me donne aussi l'envie maintenant de raconter ma propre histoire, au moins pour moi, et quelques proches. Quand un documentaire vous bouleverse à ce point et vous donne envie aussi de créer et témoigner, c'est qu'il atteint l'universalité des cœurs, qu'il est réussi au delà de toute espérance... Merci donc infiniment au réalisateur d'avoir ouvert son cœur et ses souvenirs. Vous pouvez être très fières, Mesdames !
Très beau documentaire composé intégralement d'images d'archives familiales. Madame (2020) s'étale sur trois générations d'une famille suisse, où l'on découvre le portrait attendrissant & touchant de Caroline, une grand-mère flamboyante et de Stephane (le réalisateur), petit-fils de cette dernière.
Le film lève le voile sur les tabous et les non-dits vécus par Caroline, prise en tenaille entre le patriarcat et sa condition féminine qui la reléguait à simple procréatrice et femme au foyer, bonne a faire le ménage (n'ayant pas fait d'étude).
Quant à Stephane, c'est l'image de « l'homme », à la fois virile & hétérosexuel qui lui a été inculqué dès son plus jeune âge et qu'il entend dénoncer ici.
Comme le disait Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient. », c'est exactement à cela qu'ont été confronté Caroline & Stephane. La première ayant dû s'émanciper de l'homme, voir des hommes qu'elle fréquentait, quant au second, il a rapidement compris qu'il ne lui suffisait pas de devenir un homme pour devenir heureux et surtout, devenir réellement ce qu'il souhaitait être. D'ailleurs, que signifie être un homme à notre époque ? Faut-il se rabaisser à des clichés d'un autre âge ?
Il en résulte un très beau et puissant documentaire, entre transmission et partage. Ce journal intime dévoile de très beaux portraits, avec une réelle sensibilité, empli de tendresse.
Stéphane Riethauser nous convie à une soirée diapo pour regarder les vieux films super 8 tournés par son père durant son enfance. On y voit sa grand-mère Caroline, ses parents, son frère cadet. On les voit à Genève où la famille habite et surtout sur la Côte d'Azur, près de Saint-Raphaël, où les vacances et la lumière estivale multiplient les occasions de se filmer en famille.
Ainsi présenté, "Madame" vous fait déjà bâiller d'ennui. Pourtant, derrière sa fausse innocence, Madame s'avère un témoignage aussi impudique qu'efficace sur le "coming out", moins austère que les essais de Didier Eribon, moins prétentieux que les témoignages d'Edouard Louis, mais pas moins rageur ni moins helvétique que l'autobiographie de Fritz Zorn.
Stéphane Riethauser y raconte comment un petit garçon de la bonne bourgeoisie genevoise est éduqué dans une "homophobie ordinaire" - J'emploie l'expression comme Ariane Chebel d'Appollonia parlait dans les années 90 de "racismes ordinaires". Les stéréotypes de genre font rage autour du petit garçon choyé par des parents aimants qui ne lui imaginent pas d'autre avenir que de fonder une famille et de reprendre la fiduciaire paternelle. Les homosexuels sont une source de plaisanterie moqueuse, des personnages de carnaval vaguement ridicules, une projection inimaginable pour des bourgeois confinés dans une stricte hétérosexualité.
L'enfance du jeune Stéphane se lit rétrospectivement comme un douloureux cheminement vers une identité refoulée et inavouable. On le voit avec des copains pour lesquels il ressent une attirance trouble. Dans son équipe de basket ou au régiment, la mâle virilité des vestiaires ou des chambrées le mettent mal à l'aise. Quelques flirts hétéro tournent court.
Tout au long de sa vie, Stéphane aura été proche de sa grand-mère, une femme forte, autoritaire, mariée contre son gré à seize ans, divorcée, puis remariée à trente. Elle a construit sa vie toute seule à force de volonté et de travail. Elle aura constitué pour le jeune garçon un phare et un havre.
"Madame" sort sur les écrans quelques mois après "Toutes les vies de Kojin", un documentaire sur l'homophobie au Kurdistan. Les deux films méritent d'être regardés ensemble. Ils se déroulent dans deux milieux bien différents, les bords du lac Léman pour le premier, les montagnes du Kurdistan pour le second. Ils sont censés décrire deux milieux aux antipodes l'un de l'autre : la HSP d'un côté, l'Islam le plus rétrograde de l'autre. Sans doute, les imams intégristes de "Toutes les vies de Kojin" vouent-ils au bûcher les homosexuels ce que les paisibles bourgeois de Genève ne font plus depuis Jean Calvin. Pour autant, l'homophobie beauf que ces derniers déploient - ou déployaient encore à la fin du siècle dernier - est à peine moins ridicule et à peine moins terrifiante.
Un documentaire touchant sur une relation privilégiée entre une grand-mère et son petit-fils. C'est fou de voir les années passer et la société changer. La grand-mère est forte, vice d'esprit, audacieuse. Elle inspire son petit-fils. Je recommande !