Magnifique film de Fritz Lang, son deuxième réalisé aux Etats-Unis. Le réalisateur livre son ultime version de sa vision de la société, "hobbesienne", selon laquelle l'homme est un loup pour l'homme. On retrouve dans ces gérants d'hôtels, puis dans ce garagiste, la même agressivité que celle des citoyens qui s'accusent entre eux dans M le Maudit ou celle, frénétique, des villageois dans Furie, prêts à lyncher un innocent. Dans J'ai le droit de vivre, nous voyons l'étau de la société se reserrer autour d'Eddie qui, une fois entré dans un cercle vicieux, ne peux en réchapper. On pourrait croire que cet homme est né "en frappant à la porte de la chaise électrique" ; Lang répond par une accusation féroce de la méchanceté humaine, de la bassesse des hommes prêts à frapper un homme à terre, à l'éxecuter froidement. Si Eddie est condamné à "finir mal", c'est bien à cause de ses concitoyens qui le poussent dans la tombe à coup de pioche. Dans un monde si cruel, comment, alors, croire en la bonté d'une grâce, et ne pas y voir là un piège de plus ? La vie, dans J'ai le droit de vivre, semble être un enfer de chaque instant, une course effrénée vers un espoir qu'on n'atteindra jamais. Cette vision cauchemardesque du monde est accentuée par le fait que les deux héros sont jeunes, naïfs, sans défenses ; Joan est une petite femme frêle, Eddie un garçon sans le sous, instinctif et pas très futé. Deux victimes faciles pour les chacals - on notera d'ailleurs l'allusion à Roméo et Juliette, de la bouche de Joan. Les références à cette pièce me semblent nombreuses et évidentes, or, cela ne semble n'avoir jamais été relevé. Comme dans la pièce, le héros sombre et mélancolique embarque la fille heureuse et solaire (Juliette, fille de juillet) dans son monde de ténèbres. Sauf que les amants ne sont pas les victimes de la haine de deux familles, mais bien de la haine ancrée en chaque être humain, prêt à condamner son prochain sans procès. (...)