Toujours pertinents, toujours poétiques (d’une certaine manière en tout cas, qui tire souvent autour des 13°), même quand ils ne sont pas en forme, les amis Delépine et Kervern,....et cette fois, ils sont carrément en forme, ce qui signifie qu’ils parviennent à être hilarants, dans le genre grinçant, en filmant quelque chose de foncièrement déprimant, à savoir trois anciens Gilets Jaunes en pleins déboires avec la technologie numérique : Blanche Gardin, alcoolo dépressive à qui on a retiré la garde de son fils est victime d’un chantage à la sex-tape. Denis Podalydès est surendetté car accro à la voix d’une télévendeuse. Corinne Masiero a plongé dans la spirale de la mauvaise notation qui fait fuir les clients de son service Über. Accessoirement, quelques compagnons de route plus ou moins réguliers(Vincent Lacoste, Benoit Poelvoorde, Philippe Rebbot, Bouli Lanners, Michel Houellebecq,...) viennent faire un petit tour de piste dans une poignée de séquences mémorables comme les deux réalisateurs en ont le secret. Evidemment, les tranches de vie tragi-comiques de ces représentants paumés de la France d’en-bas sont décousues, on a l’impression d’assister à une succession de saynettes grolandaises sur lequel vient finalement se greffer un semblant de narration mais malgré le côté forcément pathétique des efforts du trio pour s’extraire de la précarité et partir en guerre contre les GAFA, jamais le film, ni le spectateur, ne songerait à se moquer d’eux car Delépine et Kervern ont, dans un registre très différent, autant d’empathie qu’un Ken Loach pour leurs personnages. On rit beaucoup mais on rit toujours un peu jaune car le monde déshumanisé dans lequel ces gens se débattent pour simplement survivre fait froid dans le dos : on sait évidemment que c’est le nôtre mais ça surprend toujours un peu quand on commence à décortiquer son absurdité mortifère, d’autant plus que Delépine et Kervern semblent plus désabusés que jamais sur la lutte finale, qui ne semble ne plus pouvoir s’incarner aujourd’hui que dans la solidarité à petite échelle et les rêveries solitaires.