Effacer l'historique est un long-métrage à petit budget mais à grandes ambitions, on suit le quotidien d'un groupe d'amis quadragénaires, modestes et cabossés par la vie, à travers une comédie loufoque, et à l'arrière plan social sombre et cruel.
La dénonciation de l'absurdité d'une société de plus en plus connectée virtuellement mais toujours plus déconnectée des réalités sociales et concrètes de l'existence, est ici dressée avec justesse et jubilation.
Les acteurs sont organiques et on les sent totalement investis dans leur rôle, à fleur de peau, décontenancés et dépassés par des événements délicieusement ironiques. On plaint le personnage incarné par Blanche Gardin, menacé et subissant un affreux chantage à la sextape, mais on s'amuse aussi de ses déboires et de sa naïveté confondante face aux dérives des réseaux en général. Idem pour toute cette bande de joyeux drilles un peu perdus mais plein de bonne volonté et tellement touchants et attachants.
Alors oui, le métrage réalisé par Gustave Kervern et Benoît Delépine manque sans doute un peu de cinématographie dans sa mise en scène sobre, épurée, un brin figée et quasi naturaliste, le rapprochant presque d'un documentaire un peu fauché par moments, mais c'est tellement jouissif et déluré que ça en devient en un sens hypnotique.
Les plans sont longs et contemplatifs, souvent immobiles, mais permettent aux acteurs d'improviser et d'exercer leur art avec un talent sans cesse renouvelé.
Au rayon des petits bémols, peut être une durée un peu longue, percluse de temps morts un poil fastidieux et un objectif artistique peut être trop nébuleux de l'ensemble, mais rien que pour ses quelques moments de bravoure généreux et inventifs, et subtilement anachroniques parfois, cette comédie franco-belge, barrée, et qui ne plaira clairement pas au plus grand monde ravira les amateurs d'absurdités, et d'autres ovnis expérimentaux, type Quentin Dupieux, alors oui, j'y vais.