Le duo Benoît Delépine et Gustave Kervern n’a pas fini d’explorer les enjeux de la société moderne. Ils reviennent avec un sujet qui s’agrippe à l’actualité, comme un poison, ceci malgré la praticité des outils rencontrés. L’ère du numérique n’arrive sans doute pas encore à son apogée, mais elle ne fait pas de quartier chez les hommes et leur morale. La technologie simplifie autant la vie que les problèmes et c’est les cultivant, avec une proximité omniprésente, que l’on prend conscience d’un univers illusoire et pervers. Il s’agit alors d’un prétexte qui préfèrera pousser le récit, armé d’arguments, plutôt que de consolider une narration confuse mais compréhensible dans son ensemble.
Les parcours sont de ce fait scindés, en introduisant une Marie (Blanche Gardin), mère divorcée et qui fantasme un peu trop sur ce qu’elle a perdu, comme son fil et sa dignité. Bertrand (Denis Podalydès) lui est un père présent, mais qui manque également d’affection, au point que le harcèlement de sa fille passerait presque au second plan dans sa vie. Quant à Christine (Corinne Masiero), elle est frustrée quant à sa revendication d’indépendance et son désir de séduire des clients de VTC. Toutes les problématiques diffèrent, mais c’est essentiellement le mode de vie qui ne change pas et qui finit par les trahir et les ralentir dans leur « retour sur terre ». Réseaux sociaux et autres supports de communication isolent un peu plus les utilisateurs derrière un écran, derrière une fausse identité ou encore derrière leurs craintes. Le virtuel ne peut séduire qu’un instant, le temps qu’on en stocke les données quelque part sur une planète, que l’on croirait vaste, mais qui est rapidement ramenée à la plus petite échelle, de la taille un portable.
L’intrigue prend ainsi une forme de croisade à travers les mailles de la surconsommation. On nous dévoile ainsi les traits d’un Empire qui tient de l’absurde et qui parvient malgré tout à conditionner ses habitués, les laissant même penser qu’ils possèdent le plus grand des contrôles sur leur vie et leurs émotions. Cette machinerie dupe ainsi les plus faibles, rendant alors pertinentes ses propres failles. Dommage que l’on se perde dans la surcharge de conflits, car en voulant en raconter trop, les réalisateurs échouent à caractériser l’individualisme chez certains des protagonistes. Si le spectateur doit pouvoir s’identifier quelque part, il n’aura pas non plus le temps de méditer en profondeur sur la folie de notre époque. A cela, on s’accorde un humour tantôt douteux, tantôt audacieux, mais jamais il ne fera l’unanimité, ce qui est évidemment le but recherché.
En somme, chacun convoite le contrôle de son image et de ses fantasmes, que l’on confie intentionnellement au virtuel, jusqu’à ce que l’on souhaite « Effacer l’historique », mais alors il sera trop tard. Cette détresse soulève tout de même le bon côté des choses et c’est ce qui le fait avancer dans une lecture mature. Filmé avec soin à la pellicule, on nous rapproche d’une réalité sournoise. Pas de mensonges et d’une incroyable efficacité, il y a de quoi faire plaisir et de quoi retrouver une âme saine et sobre, au milieu d’un cauchemar que l’on peut troquer contre une simple amitié.