Effacer l’historique … « Une comédie hilarante et désespérée", nous dit Télérama. Désespérée, je suis d'accord, mais hilarante, là, il ne faut pas pousser… u
Ne comédie sur trois paumés d’un lotissement des Hauts de France ? ou sur absurdité du monde technologique actuel, ou encore sur le pays de gilets jaunes…le lotissement borde un vaste rond-point… Un peut tout à la fois….comme souvent le dernier film de Benoit Delépine et Gustave Kervern alterne le meilleur et le moins bon…Blanche Gardin remporte le pompon en femme au foyer à la ramasse face à Denis Polamydès en papa sentimental et à Corinne Masiero en conductrice de VTC opprimé…., Effacer l’historique n’a rien de distancié ni de « lunaire » et pose un regard très concret et terre-à-terre sur son sujet (les dérives des technologies numériques), privilégiant toujours la transparence d’une satire univoque aux aspects plus éthérés d’une modernité souvent absurde… Ce caractère résolument concret du film se traduit d’abord par un quadrillage très précis de l’espace, qui permet d’appréhender sous divers angles la France périurbaine où se situe le récit. Outre le lotissement où vivent les trois protagonistes, Kervern et Delépine filment ainsi les trajets en bus, les supermarchés et les bistrots, les agences d’intérim, les banques et les bars pour célibataires. Tout autour, la campagne, dans laquelle on doit s’enfoncer toujours un peu plus pour rejoindre des services publics de moins en moins nombreux. Au centre, un rond-point (« notre rond-point », dira Christine) qui tient lieu de monument aux luttes passées : les Gilets jaunes constituent à la fois un hors-champ du scénario, le lieu d’une rencontre passée entre les personnages, et l’arrière-plan politique d’un film qui reprend à son compte les thématiques principales du mouvement (fracture sociale, précarité économique, phénomènes de désertification, dérives du capitalisme, etc.) …. En plus d’explorer ce territoire relativement peu représenté au cinéma, le film entend proposer une radiographie tout aussi précise des différentes formes d’emprise exercées par les technologies sur notre quotidien. Qu’il s’agisse des « Captcha », de l’enregistrement des cookies, ou encore de la recherche d’un chargeur perdu au milieu d’un inextricable nœud de câbles, Effacer l’historique joue assez habilement d’un comique de situation fondé sur notre expérience commune du numérique. Malheureusement, ces fragments sont noyés dans un flot ininterrompu de sujets (harcèlement, chantage à la sextape, notation des chauffeurs VTC, caractère addictif des séries, matérialisme des adolescents, surendettement, épuisement des livreurs à vélo, etc.) que le scénario raccroche plus ou moins adroitement au thème central des nouvelles technologies. Le résultat prend la forme d’un récit particulièrement statique qui se contente), d’accumuler les griefs contre la société contemporaine. Une impression de sur-place renforcée par la mise en scène, qui privilégie les plans fixes pour capter avec une apparence de neutralité les germes de l’aliénation disséminés dans notre monde moderne : à deux reprises, les corps des personnages s’effacent ainsi derrière les slogans consensuels qui envahissent le décor – une « Zone de bien-vivre ensemble » devant le guichet de la poste, ou la formule « Ensemble, laissons une trace » inscrite sur les portes automatiques de l’aéroport. Avec "effacer l'historique", on a donc un film qui n'est ni vraiment drôle, ni vraiment intelligent, un film souvent vulgaire, à mi-chemin entre indigent et pathétique. Vu le sujet, c'est vraiment dommage.