Premier film de David Fincher pour Netflix, après trois collaborations sérielles concluantes (House of Cards, Love, Death + Robots, Mindhunter), en noir et blanc, avec Gary Oldman dans le rôle-titre, dont le scénario a été écrit par le père du réalisateur (Jack Fincher) en 1990, avec pour promesse : 2h15 de plongée cinématographique au cœur du script du monument Citizen Kane... Clairement, on trépignait de voir cela. Mais la promesse était trop belle, le projet trop ambitieux, et le résultat paye de l'intérêt du spectateur sa cinéphilie gonflée, boursoufflée, prête à s'exploser les cordes vocales à force de crier "Attention cinéma !" dans son haut-parleur. Évidemment, le propos du film est sa cinéphilie, son amour du cinéma qui passe par une critique de l'âge d'or d'Hollywood, dont on ne doute pas de la sincérité, de la vraie passion du réalisateur pour son sujet, comme en témoigne ce sublime noir et blanc souvent éclairé d'un seul point lumineux (très belle photographie). Mais l'on constate trop vite les ficelles de cette cinéphilie, un forcing pour les amateurs de cinéma à coups de name-dropping (un récital de beaux noms du cinéma juste pour faire ronronner gentiment ceux qui les connaissent) et des références allusives à l’œuvre Citizen Kane qui sont autant de coups-de-coudes dans les côtes destinés à ceux qui maîtrisent bien ce film, autrement dit, Mank sélectionne son public-cible parmi les cinéphiles, et le caresse dans le sens du poil sans s'en cacher une seconde. Non qu'on n'apprécie pas (un peu) ce grattage de menton, mais l'on aurait vraiment préféré qu'il ne se voit pas autant. On déplore également que ce Mank se contente d'un rythme tranquille qui se combine à des dialogues bavards et à des intrigues redondantes (les problèmes financiers, la boisson), pour nous faire trouver ces 2h15 bien longues. Le contenu manque même de crédibilité par moment : on s'étonne de la scène du règlement de compte lors du dîner, totalement irréaliste (qui écouterait ce discours d'insultes en entier sans broncher ou sortir ce poivrot ?). Et l'on a un grand problème à ajouter à la liste : on n'a pas été convaincu par Gary Oldman. L'Heure (Sombre) est grave, que dire, impensable, pour ce monstre sacré du cinéma. Mais force est de constater qu'il se débat (vigoureusement) avec un maquillage trop minimaliste qui laisse paraître les vingt ans de plus qu'il a par rapport à son personnage, que ses scènes oscillent trop souvent entre les mêmes états (colérique ou aviné à l'excès, même son époustouflant Churchill ne l'était pas tant et parvenait à convaincre), et que le mot "états" est ici sciemment employé : impossible de parler "d'émotions". On n'en ressent aucune, car le film est si obnubilé par son name-dropping qu'il en a oublié d'écrire les mots qui touchent, les scènes qui passionnent, bref le vrai cinéma. Celui qui n'a pas besoin de tout ce tralala pour épater la galerie.