Souvent comparé aux films de Kiarostami, Nuages de mai est empli de cette poésie naturaliste propre au cinéma iranien. Pas de résumé du scénario, car le film ne s'y prête pas mais se compose plutôt d'une succession de moments de vie dont l'ensemble révèle une grande richesse thématique et émotionnelle. Ou plutôt ceci: un homme, apprenti réalisateur, retourne dans la demeure familiale pour faire un film dont on suppose qu'il traite de l'enfance, de la structure familiale et du monde rural. La mise en abyme du film dans le film (procédé kiarostamien par excellence), laisse alors apparaître une réflexion sur l'art et le cinéma confrontés à la vie. Muzaffer, l'apprenti cinéaste, cherche à saisir la vie, les regards, les inflexions des visages et des corps de ses parents. Une approche nostalgique, mais également un travail de mémoire. Une magnifique séquence constituée de différents passages filmés de ses parents illustre superbement l'ambition de son travail. Mais voilà, alors que dans chaque plan, dans chaque seconde du film, la vie sourd de tous les personnages, dès que Muzaffer plante sa caméra, c'est le fiasco (à l'exception du personnage de l'enfant). Là où il échoue, Ceylan réussit donc brillamment. Il parvient à saisir l'unicité et le monde intérieur propre à chacun des personnages, obnubilés par des préoccupations personnelles qui constituent leur vie individuelle. Le projet du film dans le film, dont l'ambition est de saisir la vie, devient ni plus ni moins que l'un de ces multiples objectifs personels. Mais chacun de ces morceaux de vie s'intègre dans un même décors: la nature, superbement filmée par Ceylan, qui réalise également un formidable travail plastique. Il apparaît alors que la contemplation de cette nature, et des hommes intégrés au sein de cette nature, constitue un parfait moyen cinématographique et poétique de captation de la vie. Le dernier plan du film en est une magnifique illustration et nous éblouit encore, bien après avoir quitté la salle.