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FaRem
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3,0
Publiée le 26 octobre 2022
Après des années de catatonie, Mona Lee se "réveille" et s'enfuit de la clinique psychiatrique où elle était enfermée depuis de nombreuses années. Si cette jeune femme ne "rentre pas seule chez elle le soir" puisqu'elle n'a nulle part où aller, l'ambiance et le style du film sont proches du premier long-métrage d'Ana Lily Amirpour. Une aventure surnaturelle dans les rues de la Nouvelle-Orléans au gré de rencontres avec des pouvoirs et une traque à deux à l'heure. "Mona Lisa and the Blood Moon" n'apporte rien de nouveau et l'histoire est très répétitive, mais le film fonctionne plutôt bien notamment grâce aux bons seconds rôles comme la profiteuse Bonnie Hunt, l'étonnant et bienveillant Fuzz, le jeune Charlie ou encore l'inapte officier Harold. C'est étrange, mais plaisant même si cette petite tranche de vie n'aboutit à pas grand-chose.
Une nuit de pleine lune, l'esprit de Mona Lisa Lee connaît un déclic. Internée depuis des années en Louisiane, cette jeune femme asiatique sort inexplicablement de son état de quasi-inertie avec la faculté de contrôler l'esprit d'autrui par un simple regard. Mettant en pratique ce don, elle en profite pour s'évader en direction de la Nouvelle-Orléans, où elle se fond à la population des bas-fonds du Quartier Français...
Après un western vampirique sur le sol iranien ("A Girl Walks Home Alone at Night") et un film post-apocalyptique cannibale agrémenté de stars hollywoodiennes à contre-emploi ("The Bad Batch"), Ana Lily Amirpour referme une parenthèse télévisuelle de quelques années pour enfin nous proposer un nouveau trip en forme de long-métrage (ou l'inverse), "Mona Lisa and The Blood Moon", un... allez, on tente...un conte moderne sur fond de cavale en milieu urbain ? Oublions les cases réductrices de toute manière, Ana Lily Amirpour s'y soustrait encore une fois bien volontiers pour nous proposer une expérience visuelle somme toute assez unique !
Chose qui nous est d'ailleurs confirmée dès le prologue musical, où des plans hypnotiques du bayou laissent place au vide d'une chambre capitonnée à l'intérieur de laquelle la bande-son devient le langage du réveil de la conscience de notre Mona Lisa. Cela va sans dire, la fuite de cette Alice des temps modernes vers les Merveilles/lumières de la Nouvelle-Orléans va rapidement l'amener à découvrir l'envers peu reluisant du décor de la ville, la plaçant sur la trajectoire de quelques figures plus ou moins recommandables, dont les existences respectives se voient bousculées par son don extraordinaire. Entre un flic débonnaire pour lequel elle devient une obsession/quête existentielle (Craig Robinson, un choix idoine), un dealer tombé sous son charme (Ed Skrein), une strip-teaseuse rongée par l'avidité d'une vie meilleure (formidable Kate Hudson dans un rôle inattendu !) et le petit garçon de cette dernière, le regard de la jeune femme va aller se confronter à cette déliquescence urbaine, vectrice d'incessantes déceptions mais dans laquelle se cachent parfois quelques liserés lumineux empreints d'une étonnante humanité. "Parce qu'il n'est pas si aisé d'aimer les gens" dira d'ailleurs une Mona Lisa décontenancée par ce monde qui tente de l'utiliser, la brider ou l'emprisonner avant de l'entrevoir sous un meilleur jour grâce à certains soutiens inespérés.
Certes, en tant que tel, ce récit d'une jeune ingénue hors-norme perdue au milieu d'une cité corrompue, à la recherche d'un fragment d'âme humaine qui répondrait à la pureté de la sienne, n'est peut-être pas tiré du postulat le plus fou que Ana Lily Amirpour nous ait proposé jusque-là mais, outre des protagonistes forts que le film ne perd intelligemment jamais de vue (tous grandissent réellement à travers les événements), il représente bien sûr un terreau idéal pour les expérimentations plastiques de sa réalisatrice. Au-delà du cadre cosmopolite de La Nouvelle-Orléans transformé en une mosaïque d'environnements colorés sous l'oeil de sa caméra, "Mona Lisa and the Blood Moon" est jalonné de fulgurances esthétiques chargées d'amplifier chaque étape de l'odyssée de son héroïne, dont l'innocence amène forcément un large éventail de ressentis aussi bruts que naïfs en toute situation. De la douceur d'une rencontre d'aspirations idéalistes sur laquelle se bâtit un lien de confiance indéfectible jusqu'à la misogynie la plus barbare s'exprimant soudainement au recoin d'une ruelle, en passant par l'émerveillement enfantin provoqué par les paillettes d'une danse dans un bar de strip-tease miteux, Ana Lily Amirpour se mue avec brio en sa propre Mona Lisa pour amener notre esprit à vibrer de façon quasi-sensorielle aux montagnes russes émotionnelles parcourues par ses personnages. Le climax en sera d'ailleurs la manifestation la plus criante ! Point d'orgue parfait du film, nous mettant dans un état d'urgence et de stress total, où le tunnel chaotique et permanent de sentiments contradictoires traversé par Mona Lisa & consorts s'en retrouve décuplé pour nous laisser définitivement à terre.
Et dire qu'on parle peut-être là du long-métrage le plus mineur d'Ana Lily Amirpour à cause d'un récit sans doute moins original que ses deux précédents, c'est dire la puissance du langage cinématographique (et musical aussi) dont fait preuve cette réalisatrice pour nous faire éprouver au plus près la sensibilité à fleur de peau de ses personnages. Normal que l'on ait un petit coup de coeur pour un film capable de faire palpiter le nôtre comme ça.