Le titre, s'il évoque le bonheur, évoque surtout le BZP aussi surnommé et sans spoiler "sel de bain".
De là, il n'est pas compliqué de comprendre ce film qui manque de finesse de bout en bout, quoiqu'un peu triste avec des personnages paumés, presque pathétiques tant ils se noient tout en se rattachant aux illusions d'un monde meilleur selon leur point de vue. Cela reste néanmoins une fiction honnête avec une lumière tamisée au bout du chemin (les couleurs se réchauffent lentement, mais pas complètement). Toutefois, le déclic est long, très long et il est difficile de penser qu'il a fallu tout ce temps pour que Greg se décide à entrer dans une clinique...
On est donc plus sur une forme de parcours initiatique avec la nécessité de se perdre pour mieux se retrouver quitte à traverser une relation toxique et délirante. Greg est relativement passif, et se laisser mener par cette inconnue qui se l'accapare, jusqu'à jalouser et craindre l'abandon. Le besoin d'attention d'Isabel est d'autant plus vrai et central dans "l'autre monde" où lui ne fait office que de pièce rapportée quasi sans importance. Heureusement, il y a sa fille qui ne l'abandonne pas, jusqu'à être un phare dans la nuit en servant de point d'ancrage final. Mais, il y a des mais...
De bout en bout, cette histoire évoque donc la descente aux enfers par la drogue pour échapper au quotidien douloureux, gris et morne. Greg est déjà accro aux antidouleurs (plus de possibilité d'ordonnance, le fils qui évoque les différentes "douleurs" de son père - le problème semble donc dater - tout en le rejetant) ; il s'est fait largué par sa femme et ne s'en remet pas, finalement perd son taf somme toute abêtissant où des téléopérateurs passent leur temps à être désolés et s'excuser auprès des clients. Qui n'aurait pas envie de tuer son patron qui vous a considéré comme corvéable à souhait dans ces conditions pour mieux vous virer quand vous perdez pied ? En tout cas, le fantasmer. Sa vie lui échappe, et le mal n'est pas récent. Il rencontre Isabel qui l'envoie chercher ses cristaux "oranges" sur un type, visiblement mort ou camé, pour mieux droguer son whisky à son insu. Or, cela n'arrive pas qu'une fois. Il ne se pose pas vraiment de question, très peu, il se contente de suivre, passif jusqu'à ce qu'elle le pousse à essayer ses fameux cristaux...
Ce qui donnerait surtout envie de lui foutre des tartes de mon point de vue ^^
De là, naissent des délires communs issus des dessins, et de pas mal d'autres fantasmes, (pouvoirs, riches, savants reconnus, riviera, grande maison... Un bonheur relativement fabriqué, très "rêve american way of life" sans vraiment de sens en finalité, même si tous les soucis du monde ont été réglés de manière fantaisiste, et qu'un multimilliardaire paye artistes et chercheurs, ce qui sonnerait comme un salaire universel face à la pauvreté. Bref, un monde où c'est surtout l'ego d'Isabel qui a besoin d'être flatté, qui change du tout au tout même dans sa manière de parler.)
Une échappée du quotidien qui devait donc prendre fin tôt ou tard. Isabel se décide à le libérer, est arrêtée et donc oui "disparaît". Libéré donc, il peut remonter à la surface car à la fin, ils savent pertinemment que le délire n'avait rien de tangible, mais il a su apprécier "le monde qu'elle a crée". Ce qui l'a probablement aidé à adoucir un peu sa peine pour mieux tourner la page, revenir à cette réalité qu'il peut désormais accepter en se soignant, et reprendre la main sur son existence tout en aspirant à se reconstruire. Peut-être aussi devenir une meilleure version de lui-même en renouant avec sa fille. Néanmoins, s'il la choisit, c'est surtout par la force des choses et les événements extérieurs (la police qui les encercle, et Isabel qui lui dit de fuir) alors qu'il doutait tout du long avant que le déclic ne se fasse et qu'il cherche protection dans la clinique.
Néanmoins, durant le discours dans l'autre monde, reste aussi le propos classique mais pas faux de savoir savourer ce qu'on a, que le bonheur est un état d'esprit. Un discours typique qui vient avec l'âge à l'orée de la quarantaine il paraît, mais n'aurait pas dû s'arrêter là. Sans philosopher ni faire de la psycho de comptoir, les gens se disant malheureux sont souvent ceux qui ont trop d'attentes à combler au point de se créer des vides intérieurs, de l'insatisfaction chronique, et tout autant de peurs sans accepter les aléas de la vie avec recul, ni voir tout le reste car trop centrés sur eux-mêmes à tourner en rond dans un cercle vicieux. Attentes émotionnelles, matérielles etc. Or, nul ne peut combler toutes ces attentes quand les clefs sont en soi-même.
Bref, un film honnête et sans prétention (même si on a connu mieux de Mike Cahill), certes à grosses ficelles avec un discours bien rôdé et pas mal de maladresses. Je n'aurai toutefois pas choisi Owen Wilson dans ce rôle-là, tant il manque d'expressions et de profondeur de jeu. C'est néanmoins dans le ton de ce que propose assez fréquemment Amazon prime avec des incursions pseudo-SF ou fantastiques niveau série, et ce n'est pas si mauvais que certains le disent, là où la mièvrerie est généralement de coutume pour la St Valentin.