il serait bon ton de jurer d'avance sur des projets aussi opportunistes et académiques que les deux précédemment cités. Si la documentation de l'un est discutable (à défaut d'un résultat tout bonnement intéressant et honnête), l'autre avait tout pour siéger à la place du "blockbuster" français de l'année, qui aurait pu prendre la relève de "J'accuse" de Roman Polanski tout en compensant le succès (très) modeste de productions historiques récentes telles que "L'Empereur de Paris" et surtout le maladroit mais attrayant "Un peuple et son roi". Trois ans après le film résistant "Nos patriotes", Gabriel Le Bomin livre en toute bonhomie la période décisive de la politique gaullienne s'étendant sur deux semaines de juin 1940 (quand j'écrivais que la séance avait une valeur symbolique à mes yeux). Le général en devenir (Lambert Wilson) est appelé à se rendre à Londres pendant que son épouse Yvonne (Isabelle Carré) s'occupe de la petite famille marquée par l'insolence sans relâche de Anna, leur enfant atteint de trisomie. Au fil des débats politiques auxquels le grand Charles est conviés, mère et enfants se retrouvent au sein de contraignants mouvements migratoires les écartant du domaine familial... "De Gaulle" possède une reconstitution historique démesurée renforçant le respect pour la production. C'est un biopic au format très classique, quoique au récit fortement réduit, et proche du docu-fiction mais sans démagogie énervante qui ne se contenterait que de faire l'éloge d'un personnage respecté d'une majorité. Lambert Wilson brille de mille feux à ma grande surprise, ayant lu ça et là que son jeu était surfait, il est largement convaincant dans le rôle du général et a la tête de l'emploi. Ses moments forts sont tout particulièrement agrémentés par les nombreux plans en contre-plongée, par rapport aux personnages des alentours, accentuant sa grandeur physique et sa place imposante dans la pièce, tout à son honneur. C'est justement tout l'inverse par rapport aux autres grandes figures politiques qui trouvent leur place dans le récit, frôlant parfois le ridicule et particulièrement celle de Churchill dont l'accent nuit toute crédibilité au célèbre premier ministre britannique, au point de s'interroger sur les intentions de cinéaste et consorts. La quelconque bande originale du certain Romain Trouillet, nous conduit au point invalide du film ; c'est terne, aux bornes du soporifique, presque frustrant en songeant au potentiel qui aurait pu être exploré.
L'affiche amorçant effectivement une fresque généreuse en moments forts d'émotions, l'ensemble souffre d'un certain souffle épique qui aurait offert au général le traitement mérité. La famille manque de justesse le bateau ? Les conditions de bord nuisent la santé de certain passagers ? Pas de tension, la bande-son reste tout aussi sobre que lorsque le général et Yvonne se promènent aux portes de la Grande-Bretagne, et généralement les protagonistes en sortent indemnes.
Le film ne laisse non plus place au lyrisme, s'intéressant modérément à la vie intime de De Gaulle et le couple fusionnel formé avec Yvonne ; l'occasion de s'éloigne quelque peu de la figure du politique, mais humanisant maladroitement le personnage. Sortie encourageante, mi-coquille vide mi-document historique tout bonnement pertinent, "De Gaulle" souffre dans l'ensemble des nombreuses attentes insatisfaites récurrentes du genre et de la géographie. Le travail a été confié à un novice, là où d'autres cinéastes plus expérimentés et novateurs comme Gans, Beauvois ou feu Chéreau (pour un film plus théâtral qu'historique tiens) auraient pu lui donner un souffle semblable à certaines aventures passées. Une curiosité que les historiens et autres passionnés prendront sans doute plaisir à décortiquer.