Cette phase 4 du MCU suit un chemin décidément bien déconcertant. Après un risible Black Widow, des Shang-Chi et No Way Home corrects et un excellent Doctor Strange 2, nous voici devant un catastrophique Thor 4.
Première déception devant les effets spéciaux et la photographie, indignes d’une production avec ce budget ! Beaucoup trop terne pour un film sensé être très coloré, l’incorporation certes sympathique de Gun N’ Roses à la BO ne suffit pas à donner cette identité années 80-90 apparemment recherchée (partition anecdotique de Michael Giacchino, dommage quand on connaît son talent). De bonnes idées parfois, comme les monstres de Gorr qui sortent des ombres, mais comme à peu près tout dans ce film, ce n’est pas développé correctement ! En effet, le rythme et le montage expédie tout avec une hâte assez déconcertante, sans parler de l’éclairage ignoble qui nous empêche par exemple d’avoir la moindre idée de l’apparence de ces monstres, ce qui les condamnent à n’être que de grossiers effets numériques destinés à être massacrés pour le sport des héros, alors qu’ils avaient vraiment un intéressant potentiel à faire peur. La seule séquence qui relève le niveau est celle sur la planète de Gorr : longue scène en noir et blanc, le talent derrière la caméra de Waititi réapparaît soudainement et on ressent enfin quelques frissons…mais ça sera bien la seule fois du film !
On en vient ainsi au seul point à peu près positif du film, c’est-à-dire son antagoniste. On s’en doutait dès l’annonce du casting, c’est bien l’expérimenté Christian Bale qui se distingue, oscillant entre l’horreur et le comique et s’appuyant sur une apparence assez réussie, de l’impressionnante « Nécrolame » à son effrayante paire d’yeux jaunes. Il se paye même le luxe d’avoir un personnage aux motivations crédibles – voire compréhensibles. Mais là aussi, l’humour lourd général du film le rattrape et lui fait perdre toute son aura : le « boucher » n’aura tué qu’un seul dieu – dans le prologue en plus – et celui présenté dans les synopsis comme « dominant les dieux par sa maîtrise de toutes les formes de combat » ne requerra pas du Dieu du Tonnerre un dépassement de soi particulier pour le battre. Finalement, on ne se souviendra de Gorr que comme d’un « méchant d’un film », typique des productions Marvel.
Et que dire des autres personnages… On se demande vraiment ce que l’immense Russell Crowe (oscarisé avec Gladiator) vient faire là, dans un rôle de … Zeus en danseuse ?!? On touche le fond avec la séquence à Omnipotence-City, je ne vais même pas relever tout ce qui ne va pas tellement c’est risible. Apparemment les chèvres ont plu à certains – au vu des critiques que j’ai vues – mais on est plutôt sur de l’humour pour moins de 10 ans… Comme avec la présence des enfants, qui met franchement mal à l’aise du début à la fin, d’un « kidnapping » hallucinant à une « passation de pouvoir » absurde avec Thor (on y reviendra avec le scénario)… Une présence anecdotique des Gardiens de la Galaxie, réduit, au grand dam du spectateur, au fan-service, et une nouvelle introduction d’une entité cosmique – Eternity – avec toujours cette impression d’incohérence assez désagréable : tout le monde la connaît mais personne ne l’avait évoqué avant - d’autant plus qu’elle ne sert, d’après le film, qu’à … réaliser des souhaits ?!
Enfin parlons des deux personnages principaux et du « love » du titre, qui enfonce encore un peu plus le clou du malaise ambiant. Les dialogues - horriblement écrits - gangrènent toutes les scènes « émotion » et leur donnent un caractère lourd et une envie de vite passer à autre chose. Le cancer de Jane Foster ne semble être là que quand ça l’arrange (il faudra qu’on m’explique : elle est devant son miroir, elle lâche Mjölnir et soudain sa « vraie apparence » se révèle ; mais le reste du temps elle ne fait que le lancer, pour s’amuser ou pour combattre, et là rien ne se passe). Et on ne peut que pleurer devant le traitement réservé à notre Asgardien aux cheveux longs : lourd, pas drôle, frisant l’incompétence et irresponsable, il a sans doute remplacé un certain nombre de cellules grises par des kilos de muscles.
Waititi a en fait choisi de ne pas traiter véritablement les histoires qu’il a à raconter : le Ragnarok et Gorr ne sont pas pris au sérieux, car ils sont étouffés dans un humour douteux, si omniprésent que tous les personnages et les acteurs en sont décrédibilisés. Thor passe complètement à côté de son destin tragique et passe de dieu le plus puissant à dieu le plus ridicule du MCU. Le scénario – en reconnaissant qu’il y en ait un – est indigne d’un tel film, tourne autour de sujets enfantins au possible, et surtout multiplie les incohérences, comme un brouillon dont on aurait négligé la relecture et présenté en version définitive. En résultent une narration chaotique, des ellipses embarrassantes (Jane devient Mighty Thor et Mjölnir se reconstitue, mais apparemment ça ne vaut pas la peine d’être montré ou expliqué) et des scènes qui donnent envie de quitter la salle (les enfants ont soudain les yeux qui brillent et découpent une armée de monstres faisant trois fois leur taille – une petite fille utilisant…son doudou – car ils sont désormais animés de la force que Thor leur a donnée…par sa simple volonté). Si la farce pouvait servir de parenthèse divertissante dans Thor 3, elle tourne à la catastrophe dans Thor 4 : un film et un réalisateur à oublier donc, en espérant qu’un juste équilibre soit (enfin) trouvé dans Thor 5. L'un des pires si ce n'est le pire film du MCU.