S’il y avait bien quelqu’un sur qui on pouvait compter, c’est bien Taika Waititi, l’un des rares artisans qui a su trouver l’équilibre entre l’aura des comics et la loufoquerie esthétique qui convient au MCU. Malheureusement, cette recette possède ses limites, de même que cet auteur, qui ne sait plus comment jouer avec ses outils les plus ludiques. Cette quatrième phase continue d’explorer des pans et des tons différents, comme des entités qui ne peuvent converger correctement vers un point précis. Nous n’en sommes pas encore là, mais cette nouvelle réinterprétation du héros à la chevelure dorée est loin d’être aussi original. On en revient à l’ego démesuré du dieu qui sommeille en lui, si l’on survit à des récapitulatifs interminables sur Thor ou son ex-compagne, qu’on a rapidement bazardée avant de la ramener pour prolonger l’espérance de vie du héros.
Chris Hemsworth et son personnage retrouvent un corps divin à l’écran, car les blagues ont également une date de péremption, notamment dans un univers sériel aussi dense et exigeant. Encore faut-il en trouver d’autres qui font mouche ici, mais cela n’a jamais été le point fort de ses productions, la plupart du temps en pilotage automatique. Si l’on ressent une certaine aisance dans la direction artistique, il faut reconnaître sa petite étincelle, lors d’une réunion divine improvisée et ce sera tout. Il faudra faire appel à son imagination dans les scènes nocturnes, car on n’y verra pas grand-chose et l’utilisation d’un paysage monochrome, qui aurait pu accentuer la fresque mythologique, ne restera qu’une anecdote parmi d’autres. Tout ce qui figure au second plan peine à exister et c’est pourtant dans la générosité du décor flamboyant que « Thor : Ragnarok » gagnait en pertinence. Prendre le contre-pied du volet précédent par l’émotion aurait justifier ce renversement, mais trouver une réaction descente serait déjà un bon début.
Le sentiment de peur et de danger n’est qu’un prétexte, qu’on lit à travers des scènes survoltées, dont on négligera le potentiel. Ouvrir immédiatement avec la détresse de Gorr (Christian Bale), suivi de sa croisade vengeresse, il s’annonce comme le purificateur dont le récit avait besoin pour bien dégraisser la dynamique de groupe. Thor n’est plus qu’une coquille vide, qui rappelle ses débuts aux côtés d’Odin, rien d’exceptionnel. On finit par retrouver tout ce qui fait de lui un dieu au sens propre, comme au sens figuré. Et Natalie Portman est réquisitionnée pour équilibrer un rapport de force. Mais comme elle débarque aussi vite qu’elle repart dans les choux, elle constitue rarement ce vecteur dont l’intrigue a besoin pour enfin démarrer. La dramaturgie est clairement une option dans ce quatrième volet qui agonie déjà dans son coin, en attendant qu’on vienne définitivement achever une saga qui ne va nulle part, sinon combler des trous dans une temporalité qui l’arrange, le temps d’une séance, surchargée en gonflette inutile et d’incohérence.
Plus rock et plus de biceps, c’est l’état d’esprit que l’on retient au bout d’un visionnage qui ne satisfait en rien cette expansion de l’univers cosmique. « Thor : Love and Thunder » peut se permettre de trahir son support, mais pas au détriment d’une odyssée qui n’a rien de lyrique, mais qui a tout pour alourdir son existence. Jamais ce héros n’aura été aussi dévitalisé, jusqu’aux pouvoirs mystiques qui le relient à ses marteaux. Waititi pensait sans doute jouer avec un paratonnerre, mais il a attiré toute la foudre sur ses initiatives qui n’aboutissent à rien, même par une larmichette pour se consoler.