Nous étions trois, dont deux à avoir assisté trois fois au concert en live, à divers emplacements dans le U-Arena. A la sortie de la projection, nous avions passé un super moment, bien sûr.
Mais loin de rendre compte de l’éblouissante dimension opératique du show live, le film nous plonge en revanche au plus près de l’artiste. On peut apprécier le raffinement du maquillage, la précision de la coiffure, la sophistication insoupçonnée des tenues de scène. Mais aussi les magnifiques émotions de Mylène, forcément intenses, forcément sublimées par la musique et le poids des mots.
A ce titre, le mixage son est irréprochable : la restitution de l’orchestration (perçue par nous comme très inégale lors du concert) nous laisse un bien meilleur souvenir qu’en live. Il demeure que si les nouveaux arrangements ont été plutôt très réussis, il y a un plantage manifeste qui se confirme à l’écran sur Désanchantée : la montée en puissance du titre tarde trop, et surtout ne se synchronise pas correctement sur l’effet extraordinaire de la scénographie lorsque les modules se mettent à danser au-dessus du public.
Bien entendu, la voix a été certainement bien retravaillée en studio pour corriger les imperfections (inévitables) du live (on se souvient du couac probablement dû au retour scène sur les modules volants lors du premier concert sur Désenchantée, ou de la fameuse note impossible prise en-dessous sur Innamoramento). Ce charme du spectacle vivant n’a pas sa place sur un disque gravé pour la postérité, mais c’est pour le plus grand plaisir des fans, et c’est très réussi !
Néanmoins, l’effet Dolby Atmos est complétement sous exploité sur ce film. On s’attendait à être au milieu de la salle, cernée par la musique et le public. Il n’en est absolument rien ! En dehors des séquences acoustiques piano/voix où on distingue quelques effets, circulez, il n’y a rien à entendre d’autre qu’un bon vieux son stéréo.
Mais le vrai drame de ce concert filmé… c’est l’image. Et c’est un comble ! Les caméras restent désespérément statiques. Le réalisateur se croit donc sans doute obligé de compenser par un montage ultra tendu : une profusion de coupes qui confine à la confusion et finit par brouiller l’émotion incroyable que l’on a pu ressentir sur place. Toute la dimension pharaonique du show s’est envolée.
Plutôt que d’utiliser les effets scénographiques et la mise en lumière incroyable déjà existants, le réalisateur a cru bon de les massacrer de saccades en plans ratés. Prenons quelques exemples : l’introduction de California, animée de jeux de lumière à faire tourner la tête est rendue de façon totalement anecdotique, là ou des plans larges et de plus de quelques dixièmes de secondes auraient été bien plus astucieux. Sur Désenchantée, le placement des caméras ne rend absolument pas compte de l’effet saisissant du ballet aérien des modules volants au-dessus du public (la personne n’ayant pas assisté au concert ne s’est même pas rendu compte des diverses trajectoires empruntées).
Ces mauvais angles de vue se répètent trop souvent sur le film : des pieds filmés sans aucun intérêt, des images floues, des gros plans sur des spots éteints, trop peu de plans larges sur les moments forts de la scénographie, et, Ô sacrilège, un ratage total sur le final.
Ayant vu le spectacle en live sous divers angles, nous confirmons qu’il y avait bien d’autres endroits pour rendre compte au plus vrai de l’embrasement. Totalement bluffant en fosse or, où on croit littéralement à la scène (les musiciens qui s’évanouissent dans la superposition des flammes et fumées), aussi bien que plus loin en gradin ou en platinum (quand la cape s’envole en flamme ou quand Mylène qui disparait magiquement derrière la fumée). Des images existent pourtant (celles projetées lors du concert) qui sont mille fois plus efficaces que celles rendues dans le film. Quand au travelling impressionnant sur le monticule de crâne qui semble vouloir absorber Mylène, il n’en reste rien. Tout cela enlève la puissance incroyable que nous avons ressenti à chaque concert sur ce moment d’anthologie.
Ces problèmes de rendus se retrouvent sur M’effondre. Même si (à la différence de la superbe création visuelle de Histoire de fesses) l’œuvre vidéo est plutôt très bien restituée, le black out en fin de chanson aurait mérité un plan large lorsque le ballet stroboscopique des projecteurs s’interrompt brutalement, bien plus saisissant qu’un plan rapproché sur Mylène.
En revanche, l’impressionnante troupe de danseurs est plutôt très bien servie, chose assez rare dans les concerts filmés pour être soulignée. De son côté, le public et ses émotions sont également fidèlement rendus.
La personne qui n’avait pas vécu le live a regretté de ne pas y être allé : le film reste donc réussi de ce point de vue, et les fans absents y trouveront leur compte. Pour ceux qui l’ont vu, ce sera toujours un bon moyen de se remémorer l’évènement. Mais franchement, le show méritait mieux que ça. « C’est du Mylène, donc ça se vendra » : l’argument reste imparable…
On pourrait nous reprocher ici d’être au final trop exigeant, ou de ne pas adhérer à des choix artistiques du monteur, mais que dire de la faute (cette fois-ci technique) d’un décalage complet entre l’image (où Mylène ne dit pas mot) et un « merci » qu’on entend pourtant de sa bouche ?
Tout cela finit par nous donner le sentiment d’un énorme gâchis, voire de l’amateurisme d’un réalisateur totalement dépassé par son sujet, et clairement pas à la hauteur d’un show de cette envergure. Sur Timeless, on pouvait déjà sentir quelques-uns des travers confirmés ici (notamment sur les séquences des robots). Il a beau déclarer accompagner Mylène depuis 30 ans, il est à craindre que, de cette idole, la dorure lui en soit restée aux mains…