Marc Di Domenico a pris connaissance de ces images tournées par Charles Aznavour (et que le public n’avait jamais vues) alors qu'il était chez le chanteur, en Provence. Le réalisateur se rappelle : "J’ai commencé à le filmer, sans but précis. J’aimais passer du temps avec lui, il me racontait beaucoup de choses. Un jour, il m’a emmené dans un coin de la maison, une pièce remplie d’archives, d’objets divers. Il y avait là une caisse pleine de bobines de films. Charles me dit “regarde, voilà tout ce que j’ai filmé au cours de ma vie, si tu peux en faire quelque chose”. On a numérisé ce matériel, sans sophistication technique, juste pour voir. J’étais complètement sous le charme ! Je trouvais ça très beau, surtout que ça commençait par les images tournées à Hong Kong. J’ai tout de suite remarqué qu’il tournait “monté”, en plans larges, moyens, serrés. Il y avait clairement une volonté de ne pas filmer comme n’importe quel touriste, mais de composer ces images. Par exemple, il mettait en scène sa femme, il dirigeait ses mouvements, il refaisait certains plans."
Charles Aznavour a toujours eu la volonté de réaliser des films. A un moment de sa vie, il avait écrit le scénario d’un long métrage qui s’appelait Yiddish Connection, dans lequel il jouait avec Ugo Tognazzi et qu'il voulait le réaliser (c'est finalement Paul Boujenah qui l'a mis en scène). "Il a finalement été réalisé par Paul boujenah parce que les producteurs de l’époque n’ont pas fait confiance à Charles. Il était étiqueté chanteur, éventuellement acteur, mais pas cinéaste. En découvrant les images qu’il avait tournées, je lui ai dit qu’on pouvait en faire quelque chose. Il m’a dit alors de tout regarder. Je me suis installé dans son bureau et j’ai visionné environ quarante heures de rushes", précise Marc Di Domenico.
Le Regard de Charles est fidèle à Charles Aznavour, sans pour autant masquer certains aspects moins flatteurs de sa personnalité... "J’ai eu une totale liberté sur ce plan. On voit dans le film qu’il “abandonne” sa première femme quand il part au Canada, on aborde le sujet douloureux de son fils Patrick, décédé à 24 ans, il y a un passage où il dit “j’avais de l’argent, j’étais content de moi”... On n’a pas occulté ces aspérités, mais c’est bien de les montrer aussi, ça n’enlève rien de l’admiration qu’on lui porte et ça le rend au contraire pleinement humain. Et puis il a filmé lui-même ces moment-là, donc c’est qu’il ne voulait pas les cacher", précise Marc Di Domenico.
C’est le comédien Romain Duris qui dit le texte et fait passer la “voix” d’Aznavour. Marc Di Domenico confie : "De façon très naturelle, comme sous le sceau de l’évidence.Misha nous a dit que romain Duris avait le même type d’énergie que son père et que ça lui semblait être le meilleur choix. Charles de Meaux qui avait déjà travaillé avec lui l’a appelé, et dès les premiers enregistrements, ça collait. On oublie que c’est romain Duris et on est complètement avec Aznavour."
Pour Marc Di Domenico, Le Regard de Charles constitue une émotion supplémentaire qui vient compléter l'œuvre du chanteur. Le metteur en scène explique : "Je suis très ému par ses images parce qu’elles me renvoient aussi à mon histoire, celle de ma famille, de l’émigration. Charles se raconte, raconte sa famille et c’est comme si moi aussi je racontais ma famille à travers la sienne. Il y a dans le film les figures imposées, la carrière, les chansons célèbres, mais tout le monde connait cet aspect, je n’ai pas voulu en rajouter. Et puis il y a une part plus secrète, plus personnelle, qui est sa part d’intimité mais aussi la mienne, et peut-être celle de nombreux autres spectateurs à venir du film. Je n’ai jamais eu la prétention de faire le biopic définitif d’Aznavour, je me suis coulé dans le travail de cet homme que je connaissais et j’ai fait une proposition de film à partir de ses images et de mes émotions."