Résumé :
Année 1963, Anne est une brillante élève en études de lettres. Issue d’un milieu populaire, ses parents ont tout fait pour qu’elle puisse avoir une meilleure situation, mais Anne tombe enceinte. Dans une société qui interdit les rapports hors mariage et où tous les jeunes doivent se réprimer, elle est condamnée : soit elle abandonne ses études pour devenir fille-mère, soit elle avorte. Anne entame alors un réel parcours du combattant. L’avortement est illégal, et le médecin à qui elle en parle ne peut rien faire pour elle. Elle se tourne alors successivement vers des proches, des amies, des médecins. Certains lui fermeront la porte au nez, par peur de la prison ou conviction, et d’autres essaieront de l’accompagner. Chaque jour qui passe est un jour de trop, où son ventre s’arrondit et son avenir se fragilise.
Elle n’aurait pas du se laisser tenter, et elle devrait arrêter de danser avec les garçons. Tout cela, c’est mal, et l’avortement aussi. Tomber enceinte ainsi, c’est ce qui arrive aux filles qui ne se respectent pas.
Avis :
La caméra suit Anne tout le long, avec parfois du flou autour d’elle, car nous sommes à sa place. Les scènes de tentatives d'avortement sont longues, insoutenables et crues. Elles choquent et font mal, mais nous permettent de comprendre tout le processus dans son ensemble et la dureté des choix que doit prendre Anne. Dès que le mot « enceinte » est prononcé, un cauchemar commence, et la seule façon de se réveiller et d’avorter. Ainsi, tout le film nous tient en haleine,
tout du long on vit son abattement lorsqu’elle échoue et la chaleur de ceux qui la comprennent.
Ainsi, c’est un très beau film, dur et poignant mais nécessaire et touchant. Pour toujours se souvenir de pourquoi l’on s’est battu, et pour que personne n’ait à vivre ce que Anne vit.
Note :
Le livre L’évènement est sorti en 2000. C’est un roman à caractère autobiographique d’Annie Ernaux, qui y raconte son avortement qui la mène à enfreindre la loi car, elle écrit, « comme d’habitude, il était impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit. ». Elle apporte ainsi un réel témoignage de la vie d’une jeune femme de sa condition avant la légalisation de la pilule en 1967 et de l’avortement en 1975.
Morale :
Une façon de rappeler que l’avortement est un droit nécessaire et fragile.
Si cela se déroule dans les années 1960, cette réalité est encore celle de nombreuses femmes dans le monde, plus ou moins loin de chez nous (Pologne, E-U...). Si des progrès ont lieu (Argentine) il faut rappeler que ce droit n’est jamais complètement acquis et que certains, notamment politiques, sont prêts à restreindre voire enlever ce droit aux femmes. Cette réalité est celle des femmes françaises en 1960, mais aussi celle des femmes irlandaises aujourd’hui, et peut-être celle de d’autres femmes demain. Ce film montre qu’il n’y a pas de débat à avoir sur ce droit. Une femme n’a pas à justifier sa volonté de ne pas avoir d’enfant, ni à se restreindre sexuellement, ni à garder un enfant dont elle ne veut pas. Une femme doit pouvoir choisir, et ce film rappelle ce que Simone Veil disait en 1975 alors qu’elle réussissait à faire passer la loi qui autorisait l’IVG : « aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. » Ce n’est pas une position politique mais la défense d’un droit humain, qui est trop souvent arraché aux concernées par ceux qui ne le sont pas. Son corps, son choix.
Ce film, peut importe votre âge, votre genre, votre condition, vous met à la place de cette jeune femme et vous en ressortez bouleversé(e). Je vous le recommande vivement, et la réalisatrice Audrey Diwan était géniale, une partie de ma critique reprend des choses qu'elle a confirmé lors d'une avant-première (la longueur des plans, le message politique du film, l'adaptation du livre). D'ailleurs, elle a aussi précisé que Annie Ernaux avait suivi l'écriture du film, qui se veut au présent et donc les parties rétrospectives du livre n'ont pas été inclues. De plus, l'actrice a été sélectionnée car elle connaissait la caméra et n'en avait pas peur (la caméra la suit énormément) et avait compris le livre. Enfin, la réalisatrice a expliqué qu'il avait été difficile de faire ce film à cause du manque de fonds, mais avec l'aide des régions et des producteurs cela s'est fait malgré l'appréhension des salles vides. Aujourd'hui, il semble que ce soit une réussite, du moins je l'espère et je le souhaite.