Dans les années 60, dans une fac de Lettres, Anne (Anamaria Vartolomei) tombe enceinte, alors qu'elle aborde les examens d'entrée pour l'université. A cette époque, avorter est illégal, et peut mener soit à la mort, soit en prison. Elle doit alors jongler entre sa cité U, le secret, la débrouille, le système D, les faiseuses d'ange...
C'est dans ces moments là que le cinéma est construit dans un but de réflexion, pour nous choquer, nous faire bouger. Quand on assiste à la saisissante reproduction d'une époque incompréhensible de nos jours, par l'asservissement du corps féminin aux volontés masculines, on ne peut qu'être glacé d'effroi. La quête de l'héroïne (et c'est une héroïne, vu ce qu'elle traverse), va la mener à travers des supplices incroyables, tant physiques qu'émotionnels, où rien n'est épargné, tant à elle qu'au spectateur.
Ce film c'est un peu le moment où même sans avoir d'utérus j'ai eu envie d'hurler quand quelques scènes montrent la souffrance de l'actrice principale, quand elle subit des violences absolument insoutenables - le film est hyper cru et graphique - et quand on a tantôt envie de la serrer dans nos bras pour l'aider, tantôt envie de secouer les médecins pour qu'ils l'aident.
Rien n'est camouflé, tout est soit montré en plein champ, soit laissé fortement à l'imagination des spectateurs. On serre les dents, on tente de ne pas s'imaginer les tortures infligées...la fin du film restera comme beaucoup dans la catégorie des moments où on ne s'imagine pas qu'une caméra puisse continuer à tourner, pour montrer ce qui malheureusement était monnaie courante pour beaucoup de femmes privées de leurs droits à cette époque.
On m'avait décrit ce film comme une claque, c'est pour moi plutôt un uppercut, qui prend bien le temps d'imprégner ses phalanges dans les gencives, pour y laisser une marque incroyablement tenace. Anamaria Vartolomei est vraiment incroyable dans ce film, qui la suit dans des plans séquences serrés, le format carré de l'image canalisant une angoisse graphique sur son incroyable bouille d'ange qui ne montre rien des tourments infâmes qu'elle subit.
On en sort secoués, parfois nauséeux, et on se souvient que dans les années soixante, les femmes avaient quelques libertés, mais que, comme aujourd'hui, elles étaient encore bien loin d'avoir LA liberté. Ce film est une pépite incroyablement brute et pure. Il est grand temps que ce cinéma social et politique prenne sa place, fasse bouger les lignes, et surtout les idées.