Il y'a l'art de pleurer et l'art du tire-larmes. L'art de pleurer explore la poésie, la confrontation brutale en disposant d’une mise en scène révélatrice d'émotions enfouies au plus profond du spectateur. L'art du tire-larmes est cette note aiguë et stridente d'un violon multipliée à cette lourdeur artistique qui ne compte que sur sa surface souvent maladroite pour émouvoir. *Les Parapluies de Cherbourg*, *Jeux interdits*, *Elephant Man* ou *l'Incompris* sont l'art de pleurer. *La ligne verte*, *American History X*, *Nos étoiles contraires* et donc ici *7. Koğuştaki Mucize* sont l'art du tire-larmes. Derrière ce fin tissu scénaristique, souvent tremblant de défauts, il n'y a rien. Un vide de pensée et d'ambitions qui fait sonner creux l'intérieur d'une oeuvre qui étonnement attire toutes les louanges et les passions. Il ne faut que peu de temps pour comprendre où le film de Mehmet Ada Öztekin nous emmène : la compassion malheureuse envers un être victime du monde, mais environné par la recette miracle de l'art du « sortez les mouchoirs ! ». Oui *7. Koğuştaki Mucize* est mauvais, mais pourquoi l'est-il ?
En parlant il y'a quelques jours de *The occupant*, j’évoquai l’aspect téléfilm récurent que l'on retrouvait dans beaucoup de création Netflix (attention ici, *7. Koğuştaki Mucize* n'est pas produit par Netflix mais simplement distribué. Il n'en échappe pas moins à cette misérable règle). *7. Koğuştaki Mucize* n'est qu'un simple téléfilm sans risques et sans saveurs. Une produit quelconque lisse et convenu, manichéen et sans-volume, créé de toutes pièces pour faire pleurer et rien d'autres. L'art du tire-larmes est à son apogée. Prenons un personnage simple et attachant et faisons lui faire faire vivre les pires atrocités, les pires inégalités. Délimitons clairement qui sont les protagonistes à blâmer à travers aucune réflexion et le tour est joué ! Mais cette notion, qui constitue déjà l'intrigue de nombreux autres films beaucoup plus intéressant, *7. Koğuştaki Mucize* l’exploite avec vacuité. Il n'y a rien de viscéral ou brutal qui pourrait rentrer comme en communion avec ce récit difficile. Si l'on ne doit surtout pas choquer le spectateur, la mise en scène se fait ainsi descendre au profit d'une réalisation fade et inintéressante qui met tout en oeuvre pour ne pas rentrer au plus proche de l'homme et de la violence ambiante. Comme apothéose de cette bienveillance marqueuse d'une absence de talent, on notera cette scène d’exécution finale dont je doute qu'il serait possible de faire plus simple et médiocre. Omettre de filmer la mort frontalement, c'est transporter son oeuvre soit-disant ''dure'' vers un monde inférieur trop propre pour passionner, et trop lisse pour choquer. Filmer des scènes de ''tendresse'' (si du moins ils en existent qui ne sont pas là pour faire kitsch) à travers un ralenti maladif surplombées de notes de violon et de piano stridentes, c'est modeler son film tel un produit commercial à la réputation de vendeur de larmes. **Il n'y a rien à retenir de *7. Koğuştaki Mucize* tant son récit un tant soit peu original sombre inévitablement dans sa propre médiocrité. Enlever de l'écran ce simple petit récit attendrissant, il n'y aurai que le vide. Ce vide de profondeur est le signe alarmiste que nous avons affaire ici à un téléfilm, à une oeuvre médiocre et inintéressante ou dans le meilleur des cas - très idéaliste je l'avoue - à un cri d'alerte signalant qu'il y'a de meilleurs films à voir, traitant en plus du même genre d’intrigue. Étonnent non ?**
*Dancer in the Dark* de Lars von Trier est un film danois sorti en 2000 (voir ma critique complète nommée *La chute* qui évoque le film). *Dancer in the Dark* est comme l’antithèse de *7. Koğuştaki Mucize*, tel une apparition de ce qu'il faut faire et ne pas faire faire sur un récit de ce genre. Dans ce film auréolé de la Palme d'or lors du Festival de Cannes 2000, Lars von Trier suit le destin de Selma, une immigrée tchécoslovaque arrivée depuis peu aux Etats-Unis. Alors qu'elle devient presque aveugle, Selma se retrouve victime des vices et de la trahison de ces soit-disant amis jusqu’à tomber dans une spirale criminelle dont elle ne serait pas l'auteur. Pour contrer cette sordide réalité, elle s'enfuie dans ce qui est pour elle l'Amérique, la vraie : la fantaisie de la comédie musicale dans sa beauté d'évasion et de chant. Lars von Trier transporte son protagoniste attachant et innocent vers le monde carcéral qui évidement ne lui convient pas, tout comme *7. Koğuştaki Mucize*. Mais Lars von Trier est froid, violent et capte le cœur de la tension et de la désolation. Ici, pas de notes de piano pouvant rappeler au spectateur que c'est le moment de pleurer, non. Au-delà des scènes musicales, von Trier jette à la poubelle les petites notes créatrice d'un certain réconfort. Le jeu d'acteur de Björk, la mise en scène brutale et cette vision du rêve américain traîné à même le sol par Lars von Trier transporte inévitablement *Dancer in the Dark* au-delà du simple mélodrame, mais vers une exploration viscérale et captivante des atrocités humaines. Le rêve d'une Amérique adoucie par la comédie musicale devient un grand cauchemar sans-retour.