C’est un de ses coproducteurs espagnol qui a parlé de l’histoire de Ali Bey à Souheil Ben-Barka. Le metteur en scène a alors commencé à lire un livre sur ce personnage, mais qui racontait surtout l’histoire d’un homme en mission au Maroc et qui appréciait simplement la manière dont il était reçu par le Sultan Moulay Slimane.
"J’ai tout de même continué mes recherches sur Ali Bey et son époque avec tous les chamboulements politiques, scientifiques et culturels qui étaient en cours d’un côté et de l’autre de la Méditerranée. J’ai découvert qu’Ali Bey était en fait un espion espagnol du nom de Domingo Badia dont la véritable mission était de renverser le Sultan Slimane, lequel avait fait d’Ali Bey une sorte de héros populaire pour redorer son image auprès du peuple et de l’ensemble du Maroc. Chacun avait sa stratégie. Mais Ali Bey s’est laissé prendre au jeu et a envisagé de devenir Sultan à la place du Sultan et ce sans tenir compte des ordres qui lui venaient d’Espagne. Enfin, il y avait son histoire d’amour avec Lady Hester qui est un personnage extraordinaire, aristocrate anglaise tombée amoureuse de l’Orient et de l’Islam au point de décider de restaurer le royaume de l’antique cité de Palmyre et d’en devenir la Reine comme la célèbre Zénobie un peu plus de 1500 ans avant elle. Et elle l’a fait ! ", se rappelle-t-il.
Pour tous ses films, Souheil Ben-Barka ne fait le casting qu’en fonction de la vision qu'il a du rôle et de l’acteur qui saura le mieux y correspondre. "Ali Bey est interprété par l’acteur espagnol Rodolfo Sancho que je voulais absolument pour ce rôle. Et je n’ai pas hésité à faire jouer Napoléon par l’excellent acteur Italien Enrico Salimbeni. Quant à Carolina Crescentini, je la connaissais déjà et j’étais sûr qu’elle serait parfaite en Lady Hester, aristocrate Anglaise presque illuminée et en opposition avec une Angleterre qui ne correspondait pas à ses rêves de vie !", confie le cinéaste.
"J’ai toujours choisi librement mes sujets et les protagonistes de mes films. Cette fois-ci, j’ai le sentiment d’avoir été choisi par son héros. Qui pourrait résister au charme de ce grand bluffeur d’Ali Bey ? Des gens les plus humbles aux princes les plus puissants, il les met tous dans sa poche. Napoléon, tombant à son tour sous son charme, interroge Talleyrand : « Est-ce un génie ou un illuminé ? » Ce à quoi Talleyrand répond, impertinent : « Une subtile combinaison des deux, Sire. De celle qui donne les grands hommes »."
La rencontre du réalisateur Souheil Benbarka avec le cinéma a eu lieu en 1962, alors qu'étudiant à Rome où il préparait le concours d'entrée à l'école polytechnique de Milan, il est tombé par hasard, dans les rues de Rome, sur le tournage d’une scène du film 8½, de Federico Fellini. En 1966, il est reçu premier au concours d’entrée au "Centro Sperimentale di Cinematografia" de Rome, dans la section mise en scène. Brûlant les étapes, il devient quelques mois plus tard assistant de Pier Paolo Pasolini pour son film Œdipe Roi. Il s’installe au Maroc en 1970 et, à partir de 1972, il produit et réalise 8 longs métrages, une dizaine de documentaires, plus de 200 films publicitaires. Depuis Les milles et une mains en 1972 (distribué dans plus de 115 pays), il a réalisé sept autres longs métrages.