Le problème de Thomas Vinterberg est d'avoir atteint un niveau très élevé dès son deuxième long-métrage, Festen, sans être capable de réitérer pareille performance par la suite, malgré quelques œuvres notables (La chasse). Drunk, par ses audaces et ses ambigüités, replace le cinéaste au plus haut avec cette fable imbibée qui est aussi un film splendide sur l'amitié et la douleur d'exister. Derrière son point de départ, que l'on s'accordera à trouver un brin fumeux, Drunk contemple le verre à moitié vide (ou plein) de nos vies, à l'aune d'une société dont les rituels festifs ont de sérieux relents éthyliques. Un grand film mélan(al)colique, pas moralisateur pour un sou, transgressif ma non troppo, et surtout très humain, même si on aurait aimé que la gent féminine soit davantage présente dans cette fausse version soiffarde de La grande bouffe, qui penche d'ailleurs plutôt vers Cassavetes. Tout y est distillé avec intelligence, temps euphoriques et moments d'anxiété, avec de pertinents regards sociaux et familiaux, en prime, tout en maîtrisant les excès et les dérèglementsde son sujet, ce à quoi Vinterberg, 20 ans plus tôt, aurait été sans doute moins attentif. Le scénario est impeccable, la mise en scène fluide et l'interprétation remarquable. Il serait dommage de n'avoir d'yeux que pour Mads Mikkelsen, formidable comme à l'accoutumée, tellement ses compagnons de beuverie brillent, eux aussi, dans des registres différents pour chacun. Drunk, l'un des meilleurs films de la cuvée cannoise 2020 est à consommer sans aucune espèce de modération.