Comme il y avait « Un été 42 », il y aura désormais un « Été 85 ». Certes, le contexte historique est radicalement différent et pourtant dans les deux cas, il s’agit d’une initiation à l’amour, pas seulement à l’amour physique mais également à l’amour vécu pleinement au plus profond de l’âme, avec ses ravissements mais aussi ses douleurs et ses meurtrissures.
Alex a 16 ans. Il vit au Tréport, soit dans une petite ville où le passé ouvrier a son importance (son père est docker sur le port), mais qui a la mer pour horizon. Alors qu’il se trouve seul en mer à bord d’un bateau que lui a prêté un copain, Alex, l’introverti à la gueule d’ange, est sauvé du naufrage par David, 18 ans, un jeune homme élancé, intrépide, au profil de séducteur, qui va rapidement éveiller les sens et le cœur de l’adolescent. Commence alors une romance qui a tout pour sombrer dans la facilité des lieux communs. Et avouons qu’une bonne partie du film repose sur des situations prévisibles.
Les choses vont se compliquer progressivement comme on le devine dès le début puisque Alex, dès la première séquence, est confronté à la justice. Et voilà sans doute le point faible du film : le va-et-vient entre le présent et le passé, un passé relativement proche du reste, entre les rigueurs de la justice et les désirs et les illusions de l’été. Cet usage systématique du flashback nuit beaucoup au suspense entretenu par le réalisateur.
Il n’empêche que François Ozon – l’un des cinéastes les plus prolifiques du cinéma français – nous donne à voir un film qui décline l’amour dans toute sa complexité psychologique : amour possessif, amour jaloux, amour fou, amour exclusif et s’il s’agit d’une relation homosexuelle, on notera la pudeur avec laquelle le réalisateur filme la passion charnelle des deux adolescents, évitant ainsi tout voyeurisme. C’est que, par-delà l’homosexualité clairement affichée, se lit une réflexion universelle sur l’amour dans toutes ses composantes.
Comme toujours, François Ozon soigne au plus haut point la qualité de l’image : le cadre lui-même a quelque chose d’enchanteur, avec ses hautes falaises de calcaire et sa si jolie petite plage qui sent bon l’été. Et puisque l’intrigue se situe en 1985, place aux couleurs vives lorsqu’il s’agit d’évoquer l’amour libre, l’amour estival, dégagé des préoccupations qui ne cesseront de s’amplifier tout au long des années suivantes. En revanche, le monde de la justice est traité en couleurs ternes, voire franchement déprimantes.
Mais la force de persuasion de ce film provient surtout de la qualité du jeu des acteurs. En premier lieu, les deux ados incarnés par Félix Lefebvre, un tout nouveau venu dans les castings cinématographiques, et Benjamin Voisin, désormais courtisé par les plus grands réalisateurs français. On ne pourra qu’être sensible à leur engagement corps et âme au service d’un film où ils doivent toujours apparaître en symbiose même lorsque l’histoire d’amour tourne au cauchemar.
Il faut encore parler des rôles secondaires campés par des acteurs et des actrices dont le jeu est toujours convaincant. Certes Valeria Bruni Tedeschi en fait sans doute un peu trop dans son rôle de veuve terriblement frustrée et qui accorde un peu trop d’attention au boyfriend de son fils. En revanche, Isabelle Nanty et Laurent Fernandez composent un couple fort crédible et attachant. On ne sera pas étonné par ailleurs de retrouver Melvil Poupaud, un des acteurs fétiches de François Ozon, dans un rôle de professeur qui n’est pas sans rappeler celui qu’incarnait Fabrice Luchini dans le film « Dans la maison ».
En conclusion, disons que le dernier opus de François Ozon n’est certes pas le chef-d’œuvre que l’on pouvait espérer, mais qu’il ne dépare pas dans la filmographie de son auteur puisque du reste il correspond à un vœu formulé depuis longtemps, celui d’adapter un roman anglais qui l’avait fasciné dans son adolescence et qui avait éveillé en lui des résonances toutes personnelles.