La thématique des amours de vacances est une idée extrêmement abordée dans le cinéma de tout temps au vu des souvenirs qu’elle procure, des rêves ou des envies d’échappatoire de la routine pour nous tous. Cette période évoque des multitudes de choses, permettant déjà de mettre en image des sentiments auxquels on est tous sensibles, par la pureté et la puissance des phénomènes qu’elle procure et tant elle est directement évocatrice à l’image. On a ainsi pu y voir entre autres l’ennui et la solitude qui force le rapprochement et l’amitié dans 90’s de Jonah Hill il y a peu de temps, ou encore dans un autre registre l’amitié et la fratrie qui tend au final vers l’égarement et la perdition à travers une chaleur étouffante dans Rusty James, voire même dans une violence inévitable une fois les esprits échauffés que ce soit dans Duel de Spielberg ou encore Mad Max de Georges Miller. Mais c’est pourtant bien en été que naît au contraire l’amour, le rapprochement des corps voire même l’apprentissage du sien dans l’incontournable Call me by your name, ou bien encore l’exploration de l’idée d’amour de vacances qui trouve sa puissance dans le côté éphémère de sa définition, abordé déjà bien des fois par Eric Rohmer notamment, et donc ici par François Ozon dans Eté 85.
Ainsi, le film propose une nouvelle vision de ces différents thèmes en tentant d’y trouver une singularité qui justifiera ces choix déjà bien des fois abordés, bien que cette fois transposé dans une autre époque. En effet, Eté 85 est un film adapté du livre La Danse des coucous d’Aidan Chambers paru en 1983 en France, racontant l’histoire d’amitié d’abord entre Alex et David, respectivement 16 et 18 ans, après que celui-ci est sauvé Alex de la noyade un jour de tempête, laissant place alors à une liaison tumultueuse entre les deux adolescents.
L’univers des années 80 est parfaitement rendu sans pour autant qu’elle paraisse d’un temps révolu, loin de là, le film nous transporte dès les premiers instants. La caméra 16 mm, les musiques et les décors posent directement ce cadre d’une époque passé mais où la chaleur qui en ressort, la beauté des couleurs se mélangeant à l’image et transmettant un esthétisme totalement homogène qui donne envie de s’y plonger. Les dialogues sont très fluides et réussis tout comme l’humour les performances d’acteurs qui sont évidemment à noter mais c’est bien par la mise en scène que le film va mettre en valeur toute sa dimension sensible. Plein de tendresse, la relation charnelle naissante nous parviendra notamment par les visages des personnages filmés de près, et bien embellit pour donner forme et attachement à leurs aventures. C’est ainsi par là qu’est exprimé chaque conflit, chaque tourment d’une jeunesse qui apprend tant bien que mal à se construire, nous donnant une relation entre les deux personnages principaux aussi réussie au sein d’un univers complet, renfermant tous les secrets de cette histoire.
De plus, une des propositions les plus intéressante est sans doute la prise de distance avec le héros qui apporte une réelle originalité au récit. La voix off du texte original et la manière dont l’autre personnage est filmé avec autant d’importance donne le sentiment de ne pas vivre les fantasmes de ces derniers de leur point de vue, ni de celui d’Alex, mais plutôt d’un œil extérieur de manière à mettre en valeur toute la folie qui l’atteint. On ne le vie pas vraiment de l’intérieur de manière à garder comme une neutralité. Cependant, le contraste est très important en termes de rythme avec la deuxième partie du film qui marque beaucoup moins, paraissant alors plus fade avec cette idée de ne jamais vraiment entrer dans la tête du héros. On ne comprend pas trop les aboutissants de ce que l’on ne voit ni de ce qui veut être exprimé au final. Lorsque la beauté des émois adolescents s’efface peu à peu, la dimension plus tragique du film peine en effet à trouver son rythme entre ce qui veut être montré directement, ou au contraire caché. Le film bat de l’aile à certains instants mais reste toutefois une très belle proposition, trouvant parfaitement le lien entre adaptation d’un temps passé et sa mise en perspective avec le présent, d’où sa grande réussite dans l’ensemble.