Au cœur de la Normandie des années Walkman et 3615, sur les rythmes pop-rock de Jeanne Mas, The Cure ou le sublimissime ‘’Sailing’’ de Rod Stewart, Alex se laisse séduire par son sauveteur en mer, le charismatique David. Un garçon solaire, un peu chien fou qu'on dirait parfois échappé de "Mort à Venise" quand ce n'est pas à Cyril Collard et ses "Nuits Fauves" qu'il nous renvoie. La menace du sida n'est certes pas encore perçue comme redoutable mais les galoches entre potes pas vraiment bien vues à l'époque - surtout en milieu provincial... François Ozon les filme avec l'ivresse et l'innocence des premières fois. Le plus jeune est totalement fasciné par son aîné, plus épicurien et ludique. Il faut voir le plan drague, aussi comique que touchant, entamé par David (formidable et fougueux Benjamin Voisin), - rejouant à l’occasion une scène de ‘’La boum’’ - auprès d'Alex faussement innocent (Félix Lefebvre, mutique et décontenancé) : cela vaut son pesant de pop-corn ! Jusqu’à l’arrivée d’une intruse débarquée d’outre-Manche…
Avec, autour de cette romance presque fleur bleue, l’obsession de la mort. La mort qui rôde, inéluctable. Et c’est par la grâce et la magie de l’écriture, et avec l’aide précieuse d’un professeur bienveillant (Melvil Poupaud), que le jeune ado réussira à mettre des mots sur ses maux et transcender ses fêlures.
Virée immersive au cœur des nostalgiques et grisantes Eighties, ÉTÉ 85 est aussi une réflexion autour de la mort et du désir, de l'idéal amoureux et de ses limites, de la confusion des sentiments et des vertiges de l'éphémère ; de la faculté enfin, à échapper à une destinée toute tracée.
Comme toujours chez Ozon, qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes, tout est magnifiquement écrit, suggéré, dialogué, mis en scène et filmé. Avec un sens de la narration, de la voix off, des flash-back et des enchainements très maîtrisé ; et d'une impressionnante fluidité. On pense parfois à "Call me by your name" (également situé dans les années 80) ou "Quand on a 17 ans" de Téchiné... Tout en accompagnant le cinéaste de "Frantz" sur un final optimiste, en dépassant les blessures assassines. Vers un nouvel horizon, une autre chance.
LG