Parler de la maladie d’Alzheimer n’est jamais facile, et ce pour plusieurs raisons. La première étant qu’il est bien difficile d’admettre qu’un être humain puisse « dévisser » de la sorte, pour reprendre le terme utilisé par le jeune Noé (Grégoire Champion). Difficile notamment pour les proches, en l’occurrence les enfants, chair de la chair de la personne touchée. Mais surtout parce qu’on ne sait toujours pas trop déterminer la cause de cette maladie dégénérative, pas plus que l’effet déclencheur si toutefois il y en a un. De même que pour la vitesse à laquelle elle évolue, cette dernière pouvant être très différente d’un cas à l’autre. Malgré tout, différents stades ont été identifiés. Si les certitudes et incertitudes relatives à cette maladie sont évoquées avec la plus grande prudence qui soit, la maladie et ses effets à la fois sur le comportement du patient et sur son entourage sont montrés avec la vérité la plus crue. Certes des fois cela frise le ridicule mais quand on y réfléchit… se trimbaler avec des après-skis jour et nuit en période estivale n’est pas plus ridicule que de se promener à poil sur une rocade en plein hiver ! Ou d’oublier ce qu’il s’est passé cinq minutes plus tôt. Si je peux en parler, c’est que mon épouse a travaillé en maison de retraite. Elle a même commencé sa carrière dans un centre Alzheimer. Et croyez-moi, elle en a vu des vertes et des pas mûres. Aujourd’hui, elle est famille d’accueil pour personnes âgées, et un de nos résidents est touché par cette fichue maladie. Je me suis même étonné de le voir endormi en position fœtale. « Typique chez les Alzheimer » quand je lui ai fait part de ma découverte. Ne croyez pas que je raconte ma vie, mais là où je voulais en venir, c’est que j’attendais de retrouver ce fait apparemment établi. Eh bien non. Alors que je m’apprêtai à critiquer cette lacune, ma femme m’informait que « typique » ne voulait pas dire « systématique ». Pour le reste, Muriel Robin est tout simplement parfaite. On connait son aptitude à endosser des rôles difficiles. Souvenez-vous : "Marie Besnard, l’empoisonneuse", plus récemment "Jacqueline Sauvage : c’était lui ou moi". Une fois de plus, elle fait démonstration de son talent en étant capable de changer de regard du tout au tout, passant du très expressif au vide complet. Un changement d’expression souvent observé par mon épouse quand elle travaillait dans ce milieu-là. Face à Muriel Robin, nous avons un Matt Pokora un peu en dents de scie. Ce non-habitué des plateaux de tournage de fiction paye un peu son inexpérience. Mais peut-on lui en vouloir, si ce n’est d’avoir accepté le rôle au détriment de quelqu’un de plus expérimenté ? Pour autant, il ne s’en sort pas si mal que ça, et puis… il faut bien faire ses premières armes un jour ou l’autre. Mais des fois, même plus chevronné, on peut se planter. C’est le cas de Francis Renaud, pour lequel j’ai trouvé le jeu un peu trop exagéré. Oh je ne dis pas que ce genre de comportement n’existe pas, mais je ne l’ai pas franchement trouvé criant de vérité. Malgré tout, cela a le mérite d’amener une scène jouissive quand son fils le rabroue sans ménagement. Camille Aguilar, pour un peu, a presque réussi à me faire monter les larmes quand sa mère ne la reconnait pas à son tour. Là aussi, c’est une réaction trop souvent constatée par mon épouse :une déception douloureuse allant presque à chaque fois jusqu’à l’abandon total. Pour ce qui est du reste, le rythme est bon, encore que je n’aurai pas coupé le téléfilm en deux parties : cela fait sortir le téléspectateur du récit ! Déjà que les pubs polluent les fictions(la plaie de TF1)… Fatalement, cela gâche le côté émotionnel. Encore que, en regard de certaines autres productions de la chaîne, on reste en deçà. Il y a pourtant quelques tentatives, notamment avec les prises de vues intimistes de Christophe Lamotte accompagnées de musique appelant au spleen. Mais en la matière, on a vu mieux. Cependant je me satisfais de la présence de ces scènes, dans la mesure où ça permet de mieux décrire les tourments des personnages, y compris le drame familial qui a scindé la famille. D’ailleurs sur ce dernier point, on n’y trouvera aucune surprise, exceptée la découverte de ce qui a amené indirectement le drame. Quoiqu’il en soit, ne cherchez pas des réponses quant à ce qui provoque cette maladie. Choc psychologique ? Déprime ? Est-ce physiologique ? Voire congénital ? Allez savoir : on n’en sait rien. Donc si vous cherchez des réponses, vous risquez d’être déçus car le mystère reste entier (et pour cause !). Pour finir, j’ai lu quelque part qu’il est totalement improbable que le fils quitte son travail pour rester auprès de sa mère. D'abord n'oublions pas que ce téléfilm est l'adaptation du roman éponyme. Ensuite pour la majeure partie des gens, c’est vrai mais c’est surtout par peur d’affronter cette maladie que rien ne semble encore aujourd’hui pouvoir soigner. Mais pour une poignée de courageux (et Dieu sait qu’ils ne sont pas nombreux), c’est faux car il est hors de question pour eux de laisser celui ou celle qui les a élevés se faire emporter dans les méandres abyssaux de l’oubli. Car ils savent que seule la stimulation permanente permet de retarder l’ultime échéance, même en sachant que la situation deviendra à coup sûr ingérable dans un court ou moyen terme, pour la bonne et simple raison que cette maladie est implacable et rend la bataille perdue d’avance. Alors certes, quand on voit ce téléfilm, on peut se dire « à quoi bon ? ». Mais qu’est-ce qu’il vaut mieux ? Baisser les bras tout de suite, ou essayer ? Ma foi, la question est posée en filigrane, mais là aussi : pas vraiment de réponse. Chacun agira en son âme et conscience, le tout est d'assumer. Personnellement, j’ignore si moi-même j’essaierai (je crois que je ne le saurai que le jour où je serai confronté au problème… si je devais l’être un jour), mais toujours est-il que j’ai de l’admiration pour ceux qui essaient : envers le personnage incarné par Matt Pokora, et envers ma femme qui a accueilli une personne Alzheimer dans son cadre de famille d’accueil (encore que lui, n’en est pas tout à fait au stade de Françoise jouée par Muriel Robin).