Pour mon grand retour tant attendu au cinéma, j’ai choisi le nouveau film de Quentin Dupieux, dont j’avais déjà vu et apprécié « Le Daim » et surtout « Au Poste ! ». Forte de ces deux expériences dites « de l’extrême absurdité », je savais dans quoi je mettais les pieds. Dans la forme, je retrouve la patte de Dupieux, à savoir un film ultra court (1h17 !), qui se termine sur une sorte de pied de nez brutal. Dans ce film, qui est censé se dérouler aujourd’hui, tout fait « daté ». Et pour créer cette espèce de contraste temporel, il soigne tout les petits détails. Les costumes, les accessoires, la décoration des intérieurs, les voitures, tout sonne très « années 80 » comme si les héros de son film, qui ne sont à près tout que des adolescents très attardés, étaient restés à l’époque des colliers de surfeurs, des boites de « Ron Ron » et des téléphones à clapets. Tels des magiciens pathétiques, tout ce qu’ils touchent devient immédiatement has-been ! Pour accenteur encore le contraste, le tout est filmé sous le soleil écrasant de la Provence au cœur de l’été, dans un écrin qui sent les vacances, la lavande, l’argent et la branchitude. En fait, Jean-Gab et Manu sont deux adolescents des années 80 perdus dans un sud un peu bling-bling des années 2020. Accompagné d’une musique sympathique et pas envahissante, monté de façon dynamique, le film passe bien. Il est vrai qu’en 1h15, si on avait trouvé le temps de s’ennuyer, ça aurait été très mauvais signe. « Mandibules » est très dialogué, Mais il faut parfois avoir un peu de patience devant les échanges improbables de deux types qui ont l’air de devoir répéter systématiquement les choses deux fois pour se comprendre ! Ca colle avec leurs personnages, mais je comprends aussi que ça puisse énerver au bout d’un moment. Evidemment, le film est drôle, d’abord par le postulat de départ et par l’absurdité des situations mais surtout grâce à l’abattage de Grégoire Ludig et David Marsais. Les deux sbires du Palmashow sont décidément très doués pour incarner des parfaits imbéciles, ils ont l’air d’être faits pour ce genre de rôle. J’espère quand même qu’un jour on leur offrira autre chose à jouer, ensemble ou séparément. Leur duo fait évidemment penser à celui qu’ils formaient dans « La folle Aventures de Max et Léon », film pour lequel j’ai une étrange affection ! Ils sont parfaitement secondés par Roméo Elvis, India Hair mais surtout par Adèle Exarcopoulos. Cette dernière casse totalement son image glamour dans un rôle comme elle n’en incarnera sans doute plus jamais. Dans ces premières scènes, elle est totalement muette et on se demande pourquoi mais alors, dés quelle ouvre la bouche, quel choc ! J’imagine que ce n’est pas évident du tout de jouer de genre de rôle, et « Mandibules » lui doit beaucoup, dans le genre décalé et improbable. On regrette même qu’elle n’ait pas plus de scènes. Pour ce qui concerne le scénario, il faut évidemment prendre quelques précautions d’usage, C’est du m’importe quoi parfaitement revendiqué. Si on a adhéré à l’idée d’un type qui, persuadé d’avoir le plus beau blouson du monde, se met à buter les porteurs d’autres blousons moins beaux, alors pourquoi ne pas entrer dans le délire de deux gars persuadés de pouvoir dresser une mouche gigantesque ? L’animal en question, une mouche de la taille d’un gros chien (et d’ailleurs qu’ils entreprennent de dresser comme un chien), est assez vilaine. Quand ils la nourrissent, la caressent, lui parlent, on n’est jamais loin d’avoir une sorte de haut le cœur ! Mais eux, ils ne semblent pas trouver anormal d’avoir une mouche géante, ils ont tellement à l’ouest que ça ne les choque même pas. Cette mouche, on ne saura pas d’où elle vient (avant d’échouer dans le coffre d’une vieille Mercedes immatriculée en Suisse), mais ils s’en fichent, ils veulent la dresser, c’est leur unique but. Eux qui ratent tout, réussiront-ils naïvement l’impossible ? C’est là, finalement, le but du scénario : quand on est inconscient, quand on prend un « problème » avec naïveté sans se poser de questions, peut-on réussir l’impossible ? Je crois qu’il ne faut pas chercher autre chose que ce tout petit message là dans « Mandibules », sinon, on devient fou ! La toute dernière scène, pleine d’ironie et de second degré, répond brutalement à la question et le film se termine très sèchement. Mais comment terminer autrement un film qui n’a ni queue ni n tête mais des antennes et des ailes ? Décidément très à l’aise dans son délire, son humour hyper décalé et son amour des anachronismes, Quentin Dupieux nous offre 1h15 de non sens. Tout le monde n’est pas client, je m’en doute, mais par les temps qui courent, tellement sérieux et anxiogènes, ça fait presque du bien !