Pendant ce temps-là sur la planète Mars
On a à peu près tout dit sur ce film. Et pour cause, le cinéma français n’est pas habitué à de tels sujets hautement inflammables. Sur la forme, Jimenez n’en est pas à son coup d’essai et sa vision de son sujet est assurée.
Nous sommes dans les quartiers nord de Marseille. Vu de ma campagne bretonne, c’est un autre monde. Vu des quartiers remuants de Vannes, c’est l’outrance. Ce sont les premières impressions du film. L’immersion dans un univers où les codes et les règles ne sont plus les mêmes, idem pour la culture qui en découle. On suit 3 flics de la BAC, celle-ci n’étant pas réputée pour sa finesse et sa bienveillance. Ce job n’étant pas non plus perçu comme facile, à raison. Bref, ces trois-là sont en charge du démantèlement d’un réseau de distribution de drogue dans les quartiers. Et forcément, ce genre de mission ne peut pas bien se passer. A fortiori quand les règles du jeu ne sont pas identiques pour tout le monde.
De prime abord disais-je, c’est la quasi-découverte, médusé, d’un autre monde, d’un univers parallèle avec ses lois propres et ses acteurs. Le seul point commun avec mon quotidien, c’est la langue. Encore que. Le film pourrait tout aussi bien se passer dans les quartiers de L.A. ou du Caire avec cette même impression. C’est fascinant. Une fois les personnages installés, on rentre dans l’intrigue. La narration est âpre tout en conservant beaucoup d’humanité et de sensibilité. Ça cogne dur et la mise en scène rappelle la rigueur d’une Bigelow. La tension est palpable, solide à l’image de la séquence de la grosse intervention dans le quartier, excellente de bout en bout. Ça c’est la première partie du film. Car il y a un second volet qui narre les déboires judiciaires de nos personnages. Cette partie est nettement moins efficace et semble toujours être empruntée à d’autres films (la vie carcérale, le sentiment d’injustice, le parloir …). Voilà pour ce qui est de la forme. Pour le fond, on a à peu près tout dit car on peut à peu près tout dire. On comprend parfaitement comment le film peut être exploité par les chantres d’une droite dure, c’est d’ailleurs ce discours qu’on a majoritairement entendu. Quoi qu’en dise Jimenez, le traitement de l’affaire dans l’affaire est problématique. Certes nos 3 héros sont humains, faillibles et ils font ce qu’ils estiment juste, même quand ils sont dans l’erreur. Pour autant, il n’est pas question ici de rédemption ni même de remise en cause (ou alors de manière très implicite à la toute fin). On aurait peut-être aimé un début de réflexion sur les causes en plus de la focalisation sur les conséquences. Oui, il y a un peu de nuance mais pas encore suffisamment. C’est ce grief qui l’emportera à l’issue du visionnage de mon point de vue. En conclusion, on tient là un thriller costaud et rare, empreint d’un réalisme nouveau, somme toute très très réjouissant dans sa première partie mais il semble se dégonfler quand il tente de positionner une morale. Chacun y verra bien ce qu’il voudra mais quoiqu’il en soit, la forme du film (et son succès en salle) est bien prometteuse pour la suite.