Par respect au talent d’acteur d’Anthony Hopkins, estomaquant de réalisme dans la peau du cannibale psychopathe au fond moralisateur fondé, au travail de réalisation et de photographie de Ridley Scott, et à la place qu’occupe la série « Hannibal » dans la culture cinématographique, je vais éviter de massacrer ce film. Continuons dans le positif, j’ai déjà loué le talent des deux artistes, je vais aussi applaudir le degré de sadisme du personnage, l’originalité dans ses crimes,
pas que les siens d’ailleurs, l’attaque aux cochons de Mason c’est du haut niveau,
le choc et l’écoeurement qu’on éprouve à les contempler sans en même temps y éprouver quelque part, il ne faut pas avoir honte l’avouer, une certaine fascination, et à y un réfléchir aussi un châtiment certes disproportionnel mais pas si injuste que ça. La mise en scène autour de ces tortures sur fond de musique lyrique, et au milieu d’un décor raffiné, la cérémonie méticuleusement animée par Hannibal contraste avec leur atrocité, le tout filmé main de maître à nous en donner des frissons. Enfin je ne peux que louer l’image, les plans et la lumière spécialement concoctés pour renforcer l’effet saisissant du visage défiguré de Mason. Passons maintenant aux choses qui fâchent, et c’est sur la seconde moitié du film que ça se produit. À commencer par la psychologie des personnages, non pas qu’elle soit mal étudiée, bien au contraire il y a de la profondeur, avec des dialogues bien élaborés de surcroît. Ce qui cloche par contre -et pas qu’un peu- c’est l’absurdité de certains comportements, qui dénotent une énorme naïveté totalement incompréhensible vu le profil du personnage en question. On a beau être appaté par le gain, n’être obnubilé par la rançon, faire la sourde oreille à toutes les mises en garde sérieuses, quand on est face à
un criminel qui fait partie du top 10 des plus recherchés en Amérique, que sa tête est mise à prix non pas une fois mais deux fois dont l’une à 3 milions de dollars, on ne peut pas rester à découvert à ce point, et croire sans un aucun chouia de méfiance qu’il va demeurer indéfinement inoffensif parce qu’on a réussi à camoufler ses intentions jusque là. L’enquêteur italien n’est pas présenté comme étant stupide au point d’être surpris par
un tueur aussi féroce qu’Hannibal, le strict minimum de précaution est quand même de mise. C’est le cas également pour Hannibal lui même, comment peut-on le présenter comme un aussi fin psychologue, qui devine admirablement les pensées de n’importe quelle personne, un orchestrateur très bien organisé, jusqu’aux moindre détails et le laisser
aussi facilement la portée de ses ravisseurs ? Le laisser se faire menotter de manière aussi inexpérimentée ? N’est ce pas à l’encontre de tout le culte qui a été bâti autour de son intelligence que d’être une proie aussi facile, qu’il se fasse capturer de la sorte, inatentionné jusqu’à se
distraire bêtement ? Je ne peux pas laisser passer non plus la facilité avec laquelle Cordell a été convaincu
de comettre cet horribe homicide en jetant son employeur dans la fosse aux cochons, alors qu’il n’avait pas l’air de le détester tant, et surtout qu’il était infiniment terrifié juste avant en annonçant ne pas vouloir être impliqué à tout cela. En quoi son crime pourrait arranger les choses pour lui ? Ni non plus cette Clarice qui d’abord veut sauver Hannibal, elle va même jusqu’à risquer sa propre vie, tirer sur ses ravisseurs en pleine poitrine pour qu’il puisse s’en tirer, mais dès le lendemain en revanche elle voudra désespérément l’assassiner, alors qu’il venait de la soigner en lui sauvant la vie. Ajoutons à cela qu’elle avait affirmé s’inquiéter quelques secondes quotidiennement pendant 10 ans qu’il puisse réapparaître pour n’y rien comprendre à tout ce qu’elle fait. Que de paradoxes ! Ah oui, ils débutent le film en établissant qu’une certaine affinité s’était créée entre les deux, est-ce bien suffisant ? J’en doute fort, pas
avec si peu d’arguments supplémentaires tout le long du film. Enfin, la propreté impeccable de
Claris en sortant de la maison à la fin du film aura fini d’achever ma déception. Elle était quand même menottée à la main qu’Hannibal a dû trancher brutalement juste devant elle, même pas une éclaboussure, même pas quelques petites gouttes de sang ? Allons, quand même ! Heureusement que le dîner lors de
l’une des dernières scènes, son audace et sa particularité m’auront littérallement bluffé, et elle y est à elle seule pour beaucoup la bonne note que je donne à « Hannibal ». De telles erreurs sont impardonnabe à ce niveau, surtout quand on revendique un chef d’oeuvre, qui concerne le cannibale le plus connu au monde. Ce film est comme un menu gastronomique raffiné, présenté avec beaucoup de soins, dont l’entrée est succulente, dont le dessert laisse en extase, mais dont la viande du plat principal bien que délicieux est extrêmement douteuse au point de s’interroger sur ses origines, certainement pas celles qui ont été annoncées.