Ainsi donc, "Un crime au Paradis" serait un remake de "La poison", film de Sacha Guitry ? Eh bien je l’ignorais, et je dois avouer que de voir "Un crime au Paradis" m’a donné envie de voir le long métrage de 1951. En fait, n’ayant jamais entendu parler ni de l’un ni de l’autre (ah ! ben on ne peut pas tout connaître, et je ne dois pas être le seul), c’est avec curiosité que j’ai pu suivre un programme enfin non multi diffusé par les chaînes de télévision. En attendant de découvrir la version Guitry, la surprise fut grande, en dépit d’un titre qui révèle en grande partie l’aspect dramatique de l’histoire. Le film part fort, avec un focus sur le couple Joseph et Lucienne Braconnier. Enfin quand je dis couple, tout est relatif car on se croirait revenu en plein marasme de "La guerre des Rose", version rurale ! Car les Braconnier se font les pires vacheries, et les insultes fusent dès les premières répliques ! Chers lecteurs, chères lectrices, soyez les bienvenus au Paradis ! euuuh le Paradis, c’est le nom de la ferme, hein… Une ferme dans laquelle évolue une Josiane Balasko en grande forme et visiblement très inspirée dans le rôle de Lucienne, une alcoolique notoire aigrie comme pas permis et de ce fait machiavélique au possible dite "Lulu", avec cette capacité de revêtir des rôles incroyables dans des tenues… disons très campagnardes ! Partant du principe que le ridicule ne tue pas, elle s’en donne à cœur joie, pour le plus grand plaisir du spectateur, je dois dire. Face à elle, on a un Jacques Villeret touchant l’excellence dans la peau de Joseph, dit "Jojo", un personnage auquel on ne peut que s’attacher tellement il est gentil, si gentil et sensible qu’il ne ferait pas de mal à une mouche pour peu qu’on le respecte ne serait-ce qu’un minimum, mais aussi si naïf qu'il nous fait de la peine. Jacques Villeret, déjà excellent dans "Le dîner de cons", est à mon sens encore meilleur ici parce qu’il arrive à alterner avec une facilité déconcertante la détresse et la joie provoquée par la perspective de la fin de ses ennuis. Et le plus étonnant, c’est que cela parait si naturel… Alors certes la morale de cette chronique de vie n’est pas toujours au rendez-vous
(même si elle a été sauvée sur la fin, bien que nous aurions préféré une autre issue)
, mais il faut savoir que de telles histoires ont existé, de près ou de loin. Cependant même si "Un crime au Paradis" se résumerait presque à l’affrontement entre les deux personnages principaux, nous avons une pléiade de personnages secondaires savoureux : la maîtresse incarnée par une adorable Suzanne Flon ; Jacky, le grand ami de Jojo (Gérard Hernandez) qui ne ressortira pas indemne de cette histoire ; et l’avocat Me Jacquard, passionnément heureux d’hériter d’une affaire sensée dorer encore un peu plus son ambition de réussite et de renommée. Et je ne parle même pas des noms bien connus pour compléter un casting royal, parmi lesquels on trouvera Dominique Lavanant vexée d’avoir été prise pour une andouille, Jean-Michel Martial en mode trop-beau-gosse par qui un quiproquo va arriver, et Jacques Dacqmine parfait en président du tribunal. Alors peut-être que "Un crime au Paradis" n’est pas à la hauteur de "La poison". Je ne sais pas. En attendant, pour quiconque ne connaissant pas l’œuvre de Guitry, on ne pourra qu’être amusés par la bagarre de tous les instants entre les deux Braconniers, par le jeu d’acteur d’une part, et par les dialogues d’autre part, notamment lorsque notre brave Jojo rend visite au carriériste avocat. Comme quoi, quand il est bien mis en scène, le cynisme peut être amusant, surtout quand il est traité avec dynamisme et beaucoup de sel (si j’ose dire, lol) !