Dans un paysage mexicain ralenti, irréel et pesant, filmé en sépia, et dans le filtre bleu d'une Amérique qui demande déjà pardon, Soderbergh livre une impressionnante leçon de cinéma en partant d'un thème maintes fois traité, celui de la drogue. Et son oeuvre est probablement la meilleure à en traiter. Partant sur les bases d'un film dit 'choral', mixant les histoires pour démontrer les dégats obscurs de ce monde, les dommages collatéraux que s'infligent les gens à la base d'une simple seringue, le réalisateur nous ouvre la fenêtre sur un univers fermé mais pourtant accessible à tous. Ici, ce n'est pas tant un film sur la drogue comme on pu l'être "Trainspotting" ou "Requiem for a dream", mais plutôt une oeuvre critique, une démonstration de l'industrie. Soderbergh nous fait ouvrir les yeux, nous montre cruement comment un petit monde en manipule un grand, par quels engrenages - fictifs mais si proches de la réalité - les morts apparaissent. Mettant en scène des personnages différents - bonnets, vendeurs, ministres, victimes - , tous impliqués à leur manière dans une sombre histoire, Soderbergh appuie là où ça fait mal, nous rappelle que chacun de nous à sa part de culpabilité à cacher. Personne n'est innocent, nous dit le cinéaste, avec une force assez spectaculaire.Refusant le grand spectacle,préférant l'ellipse aux fusillades,Soderbergh réalise un film d'une exceptionnelle densité,faisant preuve d'une coquetterie assez utile - les couleurs varient selon les histoires,sépia,bleu ou scintillant - et d'une maîtrise de la caméra remarquable,comme si cette dernière n'était qu'une vidéo de surveillance,accentuant avec brio l'aspect reculé du regard cinématographique.C'est-à-dire finalement que Soderbergh ne juge pas vraiment, il nous met juste face à une réalité que nous peinons à accepter, et donne à voir,avec ce grand morceau de cinéma superbement découpé, un monde en chute libre. L'une des plus passionnantes expériences cinématographiques sur le monde de la drogue.