En 1968, le légendaire Stanley Kubrick mettait en scène ce qui fût et qui persiste à l’être encore, le premier film de Science-fiction majeur pouvant très clairement s’assimiler à une anticipation très pointue du genre, d’une technologie future que le cinéaste a imaginé comme telle et pour laquelle le présent lui donne en partie raison. Oui, Kubrick le perfectionniste, le maniaque, illustre son propos en repoussant bien des idées, ne conservant que les siennes, Arthur Clarke, coscénariste, ayant souvent été rabroué par le maître. Le cinéaste prend tous les risques en mettant en scène une nouvelle odyssée, un mythe, que le spectateur devra lui-même déchiffrer, le final, le traitement, donnant lieu à de multiples perspectives. Un chef-d’œuvre, tout simplement, pas tant parce qu’il est mystique, démesuré, mais parce que 2001 : l’odyssée de l’espace est tout simplement une révolution cinématographique.
Ecran noir, musique ambiant, puis apparaissent les hommes singes, les prémices de notre civilisation, le commencement. De l’arrivée d’un monolithe, Kubrick envoie l’histoire de l’homme vers sa plus haute évolution, la conquête spatiale, alors qu’un même monolithe est découvert dans le sous-sol lunaire. L’homme ira encore plus loin, vers Jupiter, en quête d’un même monolithe mais assisté dans sa mission par une intelligence artificielle que Kubrick illustre de la meilleure des manières. L’isolement, le vide sidérale, le manque de repère, jamais film n’aura aussi bien retranscrit ses concepts propres à l’espace, à la conquête de notre galaxie, à la science-fiction. Oui, la conquête de l’espace était encore, en 1968, de l’ordre de la SF, d’où le prodige de Kubrick. Le film est aussi le seul, de souvenir certain, à donner le tournis, à jouer avec l’apesanteur, à brouiller visuellement les pistes pour créer le mal être du public devant la perte de l’horizon. Décor en perpétuel mouvement, absence de haut, de bas, de nord, de sud, décors changeant, mouvant, une réelle innovation mais aussi une merveille de contemplation pour nous ,curieux, et ce même des décennies plus tard.
Kubrick illustre la faculté de l’homme à se renouveler, à parcourir toujours de plus grandes distances, notre envie d’exploration, de compréhension absolue. Le cinéaste met ici en scène les déceptions des hommes qui tentent de comprendre, allant à l’encontre du mysticisme. Il film un échec scientifique tout en démontrant que nous autres, avons une force énorme, une intelligence sur mesure et sommes en mesure de créer une vie électronique si sensible, si tangible, que nous serons finalement contraints de la combattre. Bref, Kubrick anticipe tout, imagine des choses qui seront à maintes fois reprises, plonge le spectateur dans un univers profondément inconnu, silencieux, gracieux mais aussi effrayant, lugubre et mécanique. La conquête de notre univers reste et restera une utopie que Kubrick, ici, dépeint de la plus franche des manières.
2001 : l’odyssée de l’espace, influencera bien des œuvres majeures de la SF dans les années qui suivront, je pense notamment au Huitième passager de Ridley Scott, premier maillon de la franchise Alien, mais aussi Abyss, de James Cameron ou encore des cinéastes comme De Palma et j’en passe, certains illuminant l’écran à leurs tours mais tous dans le plus grand respect de l’œuvre présente de Kubrick, un jalon géant dans cet univers de cinéma, qui voyait l’homme toujours plus loin de chez lui, confronté à l’inconnu mais aussi à ses créations. Finalement, Kubrick ne donne, comme à son habitude, que partiellement la réponse à toutes nos questions, nous laissant pantois devant son nouveau mythe, à la recherche de notre version des faits. Le travail du réalisateur est si conséquent que l’on est immédiatement tenté de remettre le couvert dès l’apparition du générique de fin. Si le film ne fût pas très bien reçu, du fait de sa lenteur, par la presse à sa sortie, il n’en demeure pas moins une légende qu’il paraît difficile de salir par de pâles théories de cinéphiles convaincu de connaître la vérité absolue. Le cinéma est un art à multiples facettes, qui peut être indépendamment apprécié comme détesté, Kubrick illustre à lui seul, ici, le fondement de ce propos. Un grand classique, un chef d’œuvre qui percera les âges, ce qu’il a déjà depuis longtemps commencer à faire. 19/20