"Combien de temps est-ce que cela va durer ?". Maintes fois lancée à l'increvable John Wick, (désormais plus spectre qu'homme) la rengaine s'adresse finalement plus au spectateur. Toute franchise obéit à un cycle et doit intégrer le temps comme limite incontournable. Le public ne se lasse pas encore des aventures du Baba Yaga (chaque volet a fait mieux que le précédent), mais il vaut mieux prendre les devants pour ne pas le décevoir. Chad Stahelski le sait. Keanu Reeves le sait. Même Tom Cruise a fini par admettre l'inéluctabilité dans Top Gun Maverick. Alors que les compteurs tournent (58 ans pour Reeves et 60 pour Cruise), les deux stars increvables du cinéma d'action doivent (s')offrir la dernière tournée générale avant la retraite. Comme souvent, John Wick dégaine le premier !
Plus gros budget, plus grosse distribution, plus grosse durée (2h50 !), la fête se devait d'être totale. Ça fait pas un peu long pour regarder toujours vers le même horizon (de l'action, de l'action et encore de l'action) ? Oui, il faut le reconnaître. Avec Parabellum, l'usure commençait à se faire sentir. John Wick 4 n'a plus grand chose à raconter, son personnage tourne en rond et il le sait (tout le monde le sait, d'ailleurs). Remplacer le bad guy à refroidir ne fait aucune différence, d'autant plus qu'il est franchement sommaire. Étendre à ce point alors que la formule se duplique depuis le 1er volet (le zeste de tendresse en moins) c'est sûr que ça fatigue. Mais un peu seulement.
Car sinon, le chapitre 4 pousse la réussite plus loin que ses deux prédécesseurs. La variété des destinations est devenue l'une des grandes forces de la saga. Un beau terrain de jeu pour le chef op Dan Laustsen, qui s'est dépassé. Chaque voyage renouvelle la palette de couleurs et de styles. Le Japon, Berlin et Paris fournissent les plus beaux affrontements de toute la licence et permettent à son héros de confirmer ses aptitudes olympiques. Lancer de couteaux, lutte au Nunchaku, plongeon, mise à mort synchronisée auxquels s'ajoutent l'équarrissage sur piste à l'Arc de Triomphe, le marathon d'obstacles sur Montmartre ou le classique 3 X 500 mecs. Tout cela sans compter une séquence époustouflante dans un appartement de la capitale française tournée en plongée ("god's eye view" en anglais). Chad Stahelski livre son plus beau travail à la mise en scène : ample, précis et superbement scénographié. Gavé de références ciné (Lawrence d'Arabie, Sergio Leone, Melville, Woo) et vidéoludiques (Hitman 3, The Hong-Kong Massacre).
Qu'importe si tout cela n'a aucune réalité, le contrat était clair dès le départ en 2014. Et le plaisir tient justement à ce mélange de technicité et de dinguerie, de mouvements cools et de surenchère absurde. Il faut en plus y ajouter un joli panel de seconds-rôles qui claquent bien comme il faut. Donnie Yen fournit le petit plus de sensibilité qui manquait un peu à la franchise depuis le premier. Hiroyuki Sanada n'est pas loin de faire aussi bien dans un rôle moins épais. Enfin, Scott Adkins se fait méchamment plaisir en Killa, cousin du Pinguin de The Batman en plus perfide. Vous voyez, on a déjà pas mal de qualités pour meubler ces 2h50. On y arrive pas complètement, mais c'est tout de même plaisant de voir à quel point ce qui était conçu tel un petit plaisir sans prétention s'est muté en référence du cinéma d'action. Et ça risque fort bien de durer dans l'esprit de nombreux spectateurs. À toi de jouer, Ethan Hunt.