A travers l'histoire d'une famille américaine ordinaire (la sienne), James Gray nous offre une photographie de des USA début 80's, à l'orée de l'avènement de Reagan et de la droite aussi dure que décomplexée, qui est encore plus que jamais d'actualité aux USA. Armageddon Time est donc très actuel dans son propos et ce qu'il dépeint. Un tableau d'une vie de famille avec ses hauts et ses bas, somme toute, comme n'importe quel famille, mais dans une société très particulière. Qui forme ses élites sur un même modèle, avec un même mode de pensée, la réussite matérielle et individuelle, comme seule valeur valable et qui dans le même tant déclasse des pans entiers de la population sans ce soucier de leur devenir, fabriquant de la délinquance car ne laissant aucun autre choix à ces déclassés, car évoluant dans un système qui ne veut pas d'eux.
Le point commun entre tout ce petit monde : la volonté de survivre dans ce milieu particulièrement hostile qu'est la société américaine. James Gray nous montre avec brio cette violence sociale quotidienne, mais avec ici beaucoup de tact et de retenues. Dans Armageddon Time, pas de manifestations, d'affrontements, de mouvements sociaux, la plupart des protagonistes ont vu leurs idéaux dissous dans l'acceptation et la résignation d'une société profondément injuste. Les seuls révoltés : les 2 enfants, par naïveté idéaliste ou tout simplement par le fait qu'ils n'ont pas atteint l'âgé de se résigner, le duo admirablement interprété par Banks Repeta et Jaylin Webb est le seul à se battre pour leurs rêves. Et c'est la toute la force d'Armageddon Time : décrire le processus latent qui entraîne peu à peu à le renonciation (à quelques exceptions près), comment tout est fait pour que l'on rentre dans le moule et qu'il n'y a pas de place pour la fantaisie ou d'autres visions du monde que celle des grands pontes.
Mais Armageddon Time c'est aussi montré avec pudeur une société profondément raciste où le simple fait d'être noir obère drastiquement toute chance de réussit.
Bref Armageddon Time c'est à travers un portrait familial bien brossé, nous montrer toute l'hypocrisie et le désenchantement d'un rêve américain qui n'en a que le nom. Révoltant, affligeant, mais surtout poussant à la réflexion, James Gray livre une œuvre tout en finesse, portant sans le dire un jugement très amer sur les Etats-Unis d'il y a 40 ans (et toujours valable aujourd'hui), le tout porté par un casting à la hauteur. Mon seul regret : une longueur en moitié de film, où les enjeux retombent un peu dans un ronronnement du portrait familial. D'où une impression que le tout manque un peu parfois de punch. Mais ce n'était pas le but de James Gray qui avec ce regard en arrière nous donne à voir un bien triste spectacle qu'il serait toutefois dommage de manquer.