Dire qu'il a fallu attendre le 19 novembre pour voir le meilleur film de l'année. Mais ça valait le coup. Aprés ça peut être intéressant d’expliquer pourquoi, car malgré les excellentes critiques pro pas toujours suivies par le public, le synopsis du film n'est pas forcément emballant à sa simple lecture.
D'emblée disons le, contrairement à la majorité des productions actuelles, Armageddon Time n'est pas un énième film "dans l'air du temps" et cela ça fait du bien, un bien fou même. Mais ce n'est non plus un film historique ou une biographie d'un personnage célèbre comme on nous en propose régulièrement.
En vérité le film de James Gray réussit l'exploit séduisant de régner-du moins par la qualité-sur les salles obscures de cette fin d'année 2022, tout en étant une œuvre d'un classicisme incontestable, "à l'ancienne" comme on dit, presque vieille école en réalité.
Pour commencer, ce qui est fort dans Armageddon Time , c'est qu'il ne traite véritablement d'aucun sujet, ce qui ne signifie pas pour autant que des sujets n'y soient pas traités. Il s'agit d'une tranche de vie familiale s’étalant sur une période d'environ 6 mois ou peut-être une année (ce n'est pas trés clair) ou l'on montre des gens ordinaires dans le New-York (Queens plus exactement) des années 80. Et c'est tout? Ben quelque-part oui.
Bien sur qu'il y a des thèmes dans Armageddon Time, mais ces thèmes sont ceux de la vraie vie, qui ressortiraient finalement si on réalisait un documentaire approfondi, sérieux et non biaisé sur le quotidien d'une famille ordinaire. Comme dans la vraie vie donc il est question en filigrane de sujets essentiels: la place de l'école dans la société , les aspirations de la classe moyenne , le racisme évidemment avec le personnage du copain noir du fils, mais aussi la place de l'artiste dans le monde contemporain. La liste n'est pas exhaustive. Mais ce qui est impressionnant, c'est que aucun de ces sujets n'est porté en étendard par le film et tous s'incarnent naturellement dans les situations et les discussions entre les personnages.
Et puisque on parle des personnages qui constituent le coeur du film on va donc être amenés à parler des acteurs qui les incarnent. Ils sont évidemment impressionnants. Il y a Anthony Hopkins bien sur, le patriarche. Tout le monde l'attend et il est là, puissant, mémorable. Mais ce n'est pas le seul, Anne Hathaway elle aussi crève l'écran, ainsi que son mari incarné par Jeremy Strong, un personnage bien plus complexe qu'il n'y parait au premier abord. Quand aux deux gamins, qui sont finalement les principaux héros de l'histoire, ils sont criants de vérité.
Autour des acteurs, gravite une mise en scène taillée au couteau. La reconstitution du New York des années 80 est parfaite, C'est intense et suffocant, sans la moindre scène inutile ou temps mort.
On est vraiment dans le cinéma en tant que septième art , celui qui parvient à rendre passionnant par son simple traitement les préoccupations sociales et existentielles, pourtant assez ordinaires, de gens qui nous sont de surcroît inconnus. Ça s'appelle le talent d'un réalisateur, ca s'appelle aussi l'art tout simplement.