Financé un partie par une plate-forme de financement participatif « J’irai mourir dans les Carpates » est, selon son propre aveu, la transcription à l’écran d’une vraie angoisse d’Antoine de Maximy : Et si un jour, il filmait ce qu’il ne fallait pas ? Et si un jour il se retrouvait en grand danger ? Et si un jour, il y restait ? Même si le film n’est pas exempts de petits défauts, on ne peut pas lui enlever une chose : il part d’une idée qui n’est pas commune. : prendre une émission de TV réelle, connue et appréciée, en détourner les codes pour en faire une fiction de cinéma, tout en montrant l’envers du décor et tout en la parodiant un peu. Je n’ai pas le souvenir d’une autre expérience de ce type. Pour son premier film (de fiction), Antoine de Maximy met en scène à la fois ce qu’il sait faire le mieux (son émission in-situ, avec ses deux caméras) et toutes les scènes à Paris avec sa jeune monteuse qui, mine de rien, mène une sorte d’enquête policière à distance avec les rushs. Le film est monté de façon très efficace, accompagné d’une musique heureusement très discrète (je suis un peu déçue, je m’attendais à ce qu’il n’y en ait pas du tout concernant les rushes, cela aurait été cohérent). Il y a un vrai suspens,
on flirte parfois avec le surnaturel (un flirt très léger)
. L’émotion d’Agnès est réelle mais tout en retenue et l’humour n’est jamais loin, pour désamorcer tout ce qui pourrait paraitre trop triste, ou trop effrayant. « J’irai mourir dans les Carpates » fonctionne très bien, le film dure 1h36 et ça passe comme un éclair. Les paysages naturels de la Roumanie sont très beaux, et cela contraste avec la pauvreté assez pesante de ses habitants : des villages désœuvrés dans des paysages magnifiques. Même si de Maximy a joué une partition qu’il connait par cœur pour son premier film de cinéma, son long métrage est tout à fait réussi. Bien-sur, les séquences caméra à l’épaule peuvent être un peu fatigantes à suivre sur le grand écran, ça bouge beaucoup, presque au point de donner le mal de mer par moment, mais heureusement elles ne durent jamais très longtemps. Ce qui est marrant, au bout d’un moment, c’est qu’on se met à faire comme Agnès et on essaie d’être attentif aux arrières plans, aux détails pour repérer les petits indices, sans grand succès d’ailleurs, elle est bien plus forte que nous à ce petit jeu là ! Antoine de Maximy, qui incarne évidement son propre, joue sur du velours mais il n’oublie pas de s’autoparodier au passage
(la scène de l’hôtel ou celle des chauves souris)
. Alice Pol est tout à fait émouvante en monteuse pleine d’un chagrin tout intérieur, qui s’accroche à ses images pour dénicher une explication à la disparition de son ami. Elle tente de convaincre un policier maladroit (Max Boublil), un producteur un peu borné (Stéphane Wojtowicz) et un stagiaire mal dégrossi (Léon Plazol),
et son obstination va finir par payer
. Les seconds rôles ont plutôt drôles, même si on se demande longtemps pourquoi l’avoir affublé d'un stagiaire tête à claque qui, il faut bien le dire, n’apporte pas grand-chose à l’intrigue. Boublil est assez craquant, je trouve, en policier improbable et maladroit, vaguement amoureux d’Agnès. Le scénario de « J’irai mourir dans les Carpates » s’apparente à une sorte d’enquête policière par images interposées et à distance, une sorte de puzzle géant au dénouement ma foi assez crédible. Je dis « assez crédible » car il faut être un peu indulgent, il ya des choses qui paraissent un peu exagérées
(la notion de temps, notamment)
mais dans l’ensemble,
l’histoire toute bête d’un Antoine de Maximy se mettant tout seul en danger en filmant innocemment la vie de tout les jours de gens qu’il ne connait pas est tout à fait recevable.
Evidemment on ne dira rien du pourquoi de cet accident et du dénouement du film,
le scénario se payant même le luxe d’une très jolie « fausse piste » au milieu du film, fausse piste à laquelle on a cru dur comme fer, et Agnès avec nous
! En résumé, si on accepte de fermer les yeux sur quelques toutes petites exagérations, si on a le cœur suffisamment accroché pour supporter les effets de caméra à l’épaule, si on n’est pas allergique à l’émission d’Antoine de Maximy et à son humour bon enfant et malicieux, alors pourquoi se priver d’une chouette séance de cinéma comme on en voit pas souvent ? C’est un délicieux moment en salle, sans prétention aucune, malin et original, et surtout qui nous change des comédies françaises formatées habituelles.