Ça change du « Bouge, je vais te cramer !»,
« Qu’est-ce tu fais là ?»,
« Ça se fait pas frère comment qu’tu parles ? » et j’en passe, genre « Ferme ta bouche » pour rester poli.
Cliché ? ben non !
Travaillant dans une cité et dans une école REP+ après avoir fréquenté un collège REP, ce ne sont pas des clichés, mais bien une réalité. Laquelle est souvent retranscrite dans des films comme « Mignonnes », « Divines », de très bons film par ailleurs.
Mais heureusement, depuis quelques temps, il y a aussi «Une histoire d’amour et de désir » où une jeune étudiante initiait un jeune étudiant à la littérature érotique arabe. Eh oui !
Et « Fragile » avec pour moteur social la danse.
Les clichés ont la vie dure. Issus d’une réalité indécrottable.
Mais il y a aussi d’autres réalités, celles sur lesquelles on met un voile pudique ou autoritaire pour éviter les moqueries si telle réalité sort des clous (ou des clichés !) comme s’élever par les études, la culture ; comme se cacher aux yeux de la morale religieuse pour braver les soi-disant tabous.
Marre de tous ces films sur les cités où la religion est code de conduite au point de cracher sur le vivre ensemble ; marre de ces films sur les cités où la violence semble être une réponse à leur désarroi, où agitateurs et silencieux se posent en victimes éternelles au point de justifier ladite violence… que l’on peut comprendre aussi !!!
Vive les films qui nous disent que dans les cités, il y a aussi des hommes et des femmes sensibles, ouverts d’esprit et courageux, oui courageux pour affronter le schéma familial basé sur une culture religieuse envahissante laquelle comme toute religion est une prison à toute ouverture sur l’horizon. A défaut de prison, d’obstacle.
Faut pas froisser la famille, faut respecter les traditions morales, ne pas renier l’héritage religieux.
« Les Meilleures » est un titre solaire. Il fait du bien.
Malheureusement Marion Desseigne-Ravel tente à travers son premier film de nous faire une promesse pour l’avenir.
A lire son témoignage, à vivre ce que je vis dans lycée et école de la cité, en discutant tous les jours avec les élèves, les mentalités restent figées dans un esprit étroit et fermé, voire buté. Je n’ai pas dit religieux, mais sous-jacente, dans cet esprit fermé, étroit, niant toute évidence, l’empreinte religieuse.
C’est un autre débat que la réalisatrice s’est bien gardée d’évoquer contrairement à certains allocinautes qui ont jugé le film visiblement sans le voir. On voit bien que le thème de ce film dérange au point d’écrire n’importe quoi.
Que fait le modérateur AlloCiné ?
Si c’est au nom de la liberté d’expression, alors pourquoi me censurer pour des vétilles ?
Je ne dois pas être le seul.
La réalisatrice s’est focalisée sur l’homosexualité dans les cités ou dans LA cité.
Sait-on jamais, il y en aura toujours pour refuser que cela se passe dans SA cité.
Comme il y en aura toujours pour dire que c’est un fantasme de « gringo » !
Eh oui, il y en a qui écrivent « gringo » ou « Le blanc » !
Que fait le modérateur Allociné car certaines expressions ne sont pas innocentes.
Un film délicat, pudique juste ce qu’il faut pour ne pas heurter les communautés musulmanes ; leur laisser le temps d’appréhender, de cogiter sur la tolérance, sur le droit à toutes les différences ; sur le vivre ensemble tout simplement.
Lina El Arabi et Esther Rollande, respectivement Nedjma et Zina, ont en effet du courage pour interpréter deux filles attirées sexuellement et de confession musulmane à l’écran. Et merci à leurs parents, ce petit monde doit avoir l’esprit ouvert.
C’est rassurant.
Voilà encore un exemple de direction d’acteur réussie. Esther Rollande et d’autres actrices du film ont fait leurs premiers pas dans le cinéma avec un engagement artistique qui fait plaisir à voir.
Eh oui, la direction d’acteur, c’est mon cheval de bataille. Marion Desseigne-Ravel me donne raison par rapport à mon été insupportable avec Varda, Rohmer et mon automne passable avec Bresson.
Quelle que soit la confession religieuse à laquelle on appartient, il est et sera toujours difficile d’avouer son homosexualité. Les catholiques et autre juifs n’ont pas de leçons à donner aux musulmans. Même chez les agnostiques, ce ne doit pas être facile.
« Les Meilleures » ne révolutionne pas le cinéma en terme de mise en scène, celle-là est relativement conventionnelle, mais peu importe ; le cinéma en tant qu’objet pur est de raconter une histoire. Et si cette histoire est instructive, émouvante, fantastique, horrifique, intense, insolite, absurde, parvient à m’emporter grâce aussi à l’incarnation des personnages, cela me suffit amplement.
Par contre « Les Meilleures » révolutionne à sa manière les tabous. Et c’est déjà pas mal. Et rien que pour ça, je lui mets une étoile supplémentaire pour l’audace de son thème.
La mère de Nedjma dit : « Quand j’étais comme toi, je rêvais de liberté. Vous les jeunes de maintenant, vous jurez sur le coran et vous vous surveillez comme des policiers. »
A travers ce personnage, la réalisatrice a tout résumé de ces tristes films des cités, avec le poids de la religion et de la tradition qui viennent pourrir le vivre ensemble. Plus ça va, moins ça va, les cités qui vocifèrent contre un état policier qui les empêcherait de vivre ont elles-mêmes un esprit dictatorial en imposant leur morale religieuse.
« Une histoire d’amour et de désir », « Fragile », « les Meilleures » sont des films ouverts d’esprit et je suis persuadé que l’on peut y conjuguer les traditions religieuses. Encore faut-il avoir un esprit ouvert.