Rainer Werner Fassbinder, sa vie, son œuvre. Vaste et ambitieux programme, en 2H15, pour dresser le portrait romanesque et scandaleux du cinéaste allemand le plus prolifique de sa génération. Oskar Roehler, le réalisateur de Enfant terrible a fait des choix : montrer à la fois l'intimité de Fassbinder, ses amours survoltées et tragiques, son acharnement névrotique au travail, sa conscience politique, ses addictions, sa capacité d'auto-destruction ... Un cahier des charges complet, avec de larges impasses, comme ne rien montrer du tournage du Mariage de Maria Braun alors que celui de Querelle a droit à un traitement important, son film testamentaire. Peut-on reprocher à Enfant terrible de peindre un portrait sans concession du maître en éternel insatisfait, tyrannique et provocateur, excessif dans ses comportements ? Non, car cela fait partie du mythe, ce n'est pas censé être un biopic sage, et aussi vraisemblablement de la réalité. Le meilleur du film se situe dans sa stylisation extrême, avec des éléments de décor factices, comme sur une scène de théâtre. Et aussi, dans la qualité de son interprétation, dominée par Oliver Masucci dont la capacité de mimétisme se révèle bluffante. Et puis l'on sait gré à Roehler de ne pas avoir poussé le curseur plus loin dans le sordide et d'avoir mis l'accent sur les démons de Fassbinder et ses côtés flamboyants, subversifs et suicidaires. Une telle personnalité, aussi complexe, ne peut se réduire à un simple film de fiction, aussi fidèle soit-il aux faits mais il convient de saluer l'essai, qui a tout de même su capter un peu de l'essentiel de cet itinéraire d'un enfant terrible, en chair et en bosses.