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Le soir de Noël, Jack Campbell [Nicolas Cage, look passe-partout pour une fois] perd connaissance et passe dans une autre dimension. Il se retrouve père de famille et marié à Kate, qu'il aurait du il y a une quinzaine d'années rejoindre après son voyage à Londres. Mais la vie en décide autrement, n'est-ce-pas, et Jack est resté à Londres plus d'un an, devenu depuis directeur d'un cabinet de conseil en affaires à Wall Street. Comme il en a de la chance : aujourd'hui, grâce à un ange gardien black, Jack a les cartes en mains pour éviter de devenir un personnage respectable et solitaire. Dans cet univers ou il n'est jamais parti pour Londres, il est vendeur de pneus, ses amis sont des gentils gars de la campagne et sa garde-robe c'est du 100% gros pull à laine agrémenté de motifs particulièrement élaborés, du genre sapin de Noël, paysages bucoliques en 1D etc.
Pendant un long moment, Nicolas Cage est notre balise de secours [couplé à notre curiosité de le voir se démener aux côtés de Téa Leoni dans un cadre si répugnant]. Son regard cynique sur la réalité nouvelle qu'il subit maintient encore une distance avec celle-ci. Il finira bien sûr par céder à la mélancolie pour cette vie ratée qui lui apparaît bientôt attendrissante [assumant alors son impuissance effective dans le contexte de ''la petite vie'']. Le film ne rate rien : on se moque des gens de Wall Street, des urbains, prétentieux et vains, nus sans leurs habitudes ''péteuses'' [genre : Jack veut s'acheter un costume : non, chéri, prends-toi plutôt un morceau de chouquette, ça coûte pas cher, mais ça, c'est un VRAI moyen de te mettre le coeur en fête !]. En substance, des incapables sitôt qu'ils seraient en-dehors de leur élément.
Bref, de l'avenir faisons table rase. Au-delà de la nullité du programme, tout est d'une platitude incroyable et rien ni personne ne vient signaler à Ratner qu'il serait intéressant de dépasser la simple idée du postulat de départ. Un moment caustique, un seul, lorsque Jack Campbell dresse le portrait de ses anciens confrères, ou plutôt de ses confrères du monde parallèle. Caustique sur le papier, bien sûr, ou dans le principe. Pour le reste, c'est juste une comédie drama-fantastique atteignant des sommets de mièvrerie complaisante. Humour familial rase-motte et écoeurant, limite malsain ; comment supporter la vision d'un film cherchant à vous divertir avec un gros-plan sur le sexe-rigolo d'un bébé urinant en l'air (et accessoirement tout près du visage de son père), tout en évacuant avec l'empressement d'une vierge offensée l'idée de l'adultère (incarnée comme une véritable perversion par une esthéticienne de ''mauvais goût'' – une débauchée, une femme ''qui cherche'', c'est ça non ?).
Il aurait été absurde d'attendre de voir ici l'ombre d'un Spike Jonze, mais de là à ne rien exploiter du potentiel énorme qui s'offre au film, il y a un monde. Ce fossé est indéniablement creusé par des exigences qu'on ne saurait nommer. Qui a écrit ce ''truc'' ? Une ménagère icônisant Sarah Palin ? Est-ce un plouc aux manettes ?
Au fond (et il n'y a pas besoin d'allez chercher loin), ce film méprise profondément ''ses sujets''. Family Man, c'est Hollywood qui vous dit qu'elle vous aime comme vous êtes, que c'est pas grave, et que c'est même très bien pour tout le monde que vous demeuriez au stade ou vous en êtes. C'est faire croire aux foules qu'elles ont tout pour être heureuses alors qu'elles n'ont que le minimum [alors qu'on sait que si elles s'en satisfont, c'est soit pour de faux -une posture sociale, soit parce qu'elles ne connaissent rien d'autre -un manque, social].
Le film esquive le pire au bout de ses deux-tiers pour se tourner vers une histoire d'amour plus neutre. Il s'agit alors de tenter de rattraper un amour qui pendant quinze ans s'est oublié [au péril, encore, de la réussite]. Le film ne prêche alors le bonheur du foyer qu'en sourdine ; le bonheur n'est pas seulement au foyer, il est aussi dans l'amour. On a vu ça mille fois, c'est asséné avec une finesse de bulldozer [l'aéroport lieu de tous les sévices oratoires]. C'est un peu mieux (ou moins pire, plus ordinaire et plus ''normalisant'' en somme). Mais pourquoi faut-il forcément accepter une vie modeste, le sacrifice de ses rêves et un taux d'épanouissement à zéro par amour [et pour le désir, toujours explicité, de fonder une famille, etc. -les fioritures autour-] ? Pourquoi, lorsque Jack tente de retrouver Wall Street par la petite porte et [SPOILER] lorsqu'il le retrouve concrètement, doit-il renoncer à ses ambitions par amour ? L'amour, c'est se vider pour l'autre ? C'est tout abandonner de ce qui fait ce qu'on ''est'' ; et s'offrir ainsi, comme une copie blanche docile et soumise ?